Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/820

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demain, après que la séance sera finie et pendant que l’on portera le jugement, faire tout le tour de ce carré.


31 décembre, 5 heures après-midi. — Ce matin, à neuf heures, je me suis rendu à la Chambre des pairs ; ma voiture fut arrêtée à l’entrée de la rue de Tournon, je dus descendre de mon carrosse et continuer à pied le reste du chemin pour arriver au Luxembourg, c’est une distance de trois cents pas environ. Pendant ce trajet, vingt fois on me demanda ma carte d’admission dans la tribune diplomatique.

J’ai bien attendu une heure avant le commencement de la séance. Les tribunes étaient encombrées ; des jattes avec du chlore étaient disposées sur la corniche pour absorber les exhalaisons infectes d’une aussi nombreuse réunion de gens de toute espèce. Au signal d’un huissier, un profond silence s’établit dans la salle. Les portes s’ouvrent, les cx-ministres paraissent, M. de Polignac à la tête. Je ne puis exprimer l’impression que me fit cet homme que je voyais, il y a peu de mois, entouré d’honneurs et de grandeurs, maintenant traité en criminel demandant grâce pour sa vie à des personnes qui, dans le temps de sa prospérité, se seraient trouvées trop heureuses d’obtenir sa protection et dont maintenant les uns étaient ses plus cruels ennemis tandis que les autres se mouraient de peur. Malgré tout, il conservait son air calme et riant, saluant à droite et à gauche les personnes de sa connaissance, comme s’il était dans son salon, au Ministère des Affaires étrangères. Cependant, les fatigues, les tourmens et tant de mécomptes qu’il a subis depuis que je ne l’avais vu, ont laissé des traces sur sa figure ; il a vieilli et maigri ; Peyronnet bien plus encore ; il avait l’air plus soucieux, mais toujours ferme et noble ; les deux autres que je connais moins ne m’ont pas paru changés.

Les ministres une fois placés derrière leurs avocats, on procéda à l’appel nominal ; un seul pair se trouvait absent et cela par cause d’une grave indisposition.

Après que chacun des pairs eut dit son présent ! M. Madier de Montjau commença son plaidoyer en revenant sur tous les chefs d’accusation qui déjà avaient été réfutés à l’évidence par M. de Martignac. M. de Montjau a la figure la plus horrible qu’on puisse avoir ; une pâleur livide couvre ses traits, il parle, ou mieux, il lit mal ; on l’écouta avec impatience et lorsqu’il