étendues sans relâcher et de faire campagne au loin sans fatigues excessives du personnel. À ce prix seulement, elle sera toujours à l’heure décisive sur le point décisif de la surface des mers.
Il ne suffit pas d’y être, il faut découvrir et mesurer l’ennemi, en juger, avec la moindre erreur possible, la direction et la vitesse et l’approcher. La hauteur de vue d’un grand bateau n’aura pas moins d’utilité que ses autres facultés militaires.
L’ensemble de ces qualités stratégiques et tactiques ne se retrouve pas au même degré dans les petits bateaux dont il nous reste à nous occuper. C’est pourquoi les services rendus par eux au cours des dernières guerres n’ont pas entièrement répondu aux espérances de leurs partisans. L’événement a généralement donné tort aux prophètes de la séparation des armes navales. De chaque nouvel engin l’on a prédit qu’il ferait disparaître les autres moyens de lutte. On a pensé donner la vie et la prédominance à des bateaux-abstractions, se réduisant à une fonction unique. La réalité navale, comme toutes les choses vivantes, a répondu en démontrant sa tendance à la complexité. En dépit de l’apparence, ce n’est pas à la division du travail, mais à la concentration des moyens d’action que semble ici mener le progrès.
Or, en société avec le canon, sur un même cuirassé, la torpille apparaît l’accessoire. Les perfectionnemens récens n’ont pas renversé cette situation. Il y a peu d’années que nos marins croyaient commencer le duel d’artillerie à 3 000 mètres ; nos derniers tirs d’escadre ont été faits à 10 000 et se sont montrés excellens. Aux Etats-Unis, on a poussé jusqu’à 12 000. Pendant le même temps, la portée pratique de la torpille est passée de 600 a 1 500 ou 2000 mètres ; les nouveaux modèles donneront de bons tirs jusqu’à 3 000, peut-être 4 000. On voit que, si la proportion des gains est à l’avantage de la torpille, la différence des portées s’est encore accrue en faveur du canon.
Les deux armes sont aussi très inégales comme justesse. Les écarts probables aux mêmes distances de combat se montrent au moins cinq fois plus grands pour l’une que pour l’autre. Déjà le canon ne portera pas au but, en temps de guerre, plus de 5 à 10 p. 100 de ses coups. Le 305 millimètres tire de 2 à 3 coups par minute, tandis qu’il faut dix minutes pour recharger un tube lance-torpilles sous-marin. Il semble donc que la phase décisive du combat d’artillerie sera trop courte pour laisser se servir deux fois du même tube.