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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/945

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contact avait encore pour effet de stimuler son impérieux besoin d’observation pittoresque.


Le directeur qui m’avait engagé à Leipzig, — écrit-il de Dresde à un ami de Bamberg, le 13 juillet 1813, — je l’ai trouvé exactement tel que Rochlitz me l’avait décrit : un brave imbécile qui, depuis vingt-cinq ans, a tourné sa machine comme un âne sa roue de moulin ; mais aussitôt que les choses sortent un peu de leur ordre accoutumé, sur-le-champ il perd la tête et ne sait plus que devenir. Par ce temps d’inquiétude, naturellement, le théâtre était vide ; souvent même nous ne pouvions pas jouer, car voilà qu’on battait la générale avant l’heure du théâtre, et que l’entrée en était interdite ! Si bien que, le 3 juin. Seconda nous a déclaré froidement qu’il était forcé de le fermer, et que nous pouvions tous nous en aller où il nous plairait. Comme vous le comprendrez sans peine, cette nouvelle a été pour nous un coup de tonnerre en plein beau temps ; mais toutes nos protestations n’ont servi de rien, ni même l’offre d’un prêt de 1 000 thalers, obligeamment consentie par un marchand de Leipzig. Alors le personnel du théâtre s’est réuni, et a décidé de jouer, pendant quinze jours au moins, à ses propres risques... Et la chance nous a favorisés : car avec deux opéras aussi peu nouveaux que possible, le Sargino de Paër et Figaro, mais joués excellemment et accueillis avec enthousiasme, nous avons fait le maximum des recettes. Déjà nous nous préparions à poursuivre notre entreprise, et songions bravement à étudier la Vestale (de Spontini), lorsque soudain, de la façon la plus imprévue, M. Seconda a obtenu l’autorisation de jouer à Dresde, sur le théâtre de la Cour, et cela même les dimanches, chose absolument inouïe jusqu’à présent ! Naturellement, M. Seconda a repris en main le gouvernail, et, le 24 juin, en neuf chariots, nous avons pris le chemin de Dresde. Impossible d’imaginer un voyage plus étrange : j’aurais pu y trouver le sujet d’un récit humoristique le plus drôle du monde. Il y avait là, notamment, un char à bancs hambourgeois où siégeait le bas personnel de la troupe, en compagnie de servantes, d’enfans, et de bêtes accessoires : équipage si curieux que pas une fois je n’ai manqué à venir le contempler, à chacune des étapes. Tout compte fait, ce char à bancs portait un perruquier de théâtre, deux aides, cinq servantes, neuf enfans, dont deux nouveau-nés et trois encore au sein, un perroquet, qui ne cessait pas de proférer les sarcasmes les mieux appropriés, cinq chiens, quatre cochons d’Inde, et un écureuil. Sur ma proposition, il fut résolu que l’on organiserait, pour l’entrée à Dresde, une manière de cortège triomphal, où ce char à bancs hambourgeois jouerait le rôle principal » M. Seconda serait costumé à la romaine ; — c’est un petit vieux tout voûté, avec une tête énorme, et deux yeux saillans comme des boules de verre ; — il trônerait en triomphateur, sur le siège de sa voiture, tandis que le per- roquet flotterait au-dessus de sa tête comme l’aigle au-dessus de celle de Germanicus. Les chiens et cochons d’Inde, ornés de fleurs, figureraient des animaux ramenés de régions lointaines ; des esclaves maures de l’opéra d’Axur les porteraient, comme des présens destinés au roi de Saxe en remerciement de sa gracieuse autorisation.

A Dresde, nous alternons avec les Italiens, qui jouent deux fois par