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reprocher d’avoir fait perdre du temps à la négociation parce que, étant à la campagne, il ne s’était pas empressé de revenir à Londres : il n’a pas voulu mériter ce reproche et a donné son adhésion pure et simple à la rédaction franco-russe suffisamment amendée par l’Autriche. Il a été toutefois sensible qu’à Londres comme à Vienne, tout en exerçant sur la Porte une forte pression, on entendait lui laisser une grande liberté.

A Berlin, les dispositions à l’égard de la Porte ne sont certainement pas moins bienveillantes ; elles sont connues depuis longtemps et se sont traduites en actes à maintes reprises ; mais on y a considéré avant tout l’intérêt de la paix à maintenir, si elle pouvait encore être maintenue, et on l’a fait passer au premier plan. C’est auprès du gouvernement allemand que les propositions franco-russes ont trouvé l’accueil le plus facile, le plus rapide, le plus complet : nous sommes heureux de le constater. S’il y avait eu encore quelques légers nuages, M. Sasonoff les aurait dissipés sans peine, car, en quittant Paris, il s’est rendu à Berlin.

Il y était à peine arrivé que la situation a subitement changé. L’accord des puissances était réalisé : grâce à quelques sacrifices, l’union s’était faite et semblait parfaite. Elle l’était sans doute du côté de l’Europe ; malheureusement, elle l’était aussi du côté des États balkaniques, mais dans un sens tout opposé : les États balkaniques étaient décidés à la guerre, et rien ne pouvait les empêcher de s’y précipiter. Leur mobilisation en avait été déjà pour nous la preuve à peu près certaine ; à partir du moment où elle a été commencée, les chances de guerre étaient à nos yeux portées au maximum et les chances de paix réduites au minimum ; cependant, il restait une lueur d’espoir, et c’est pour l’entretenir et l’augmenter que M. Sasonoff et M. Poincaré ont travaillé en bons Européens qu’ils sont l’un et l’autre. Rien n’y a fait : la résolution des États balkaniques était arrêtée sans retour. S’ils ne l’ont pas exécutée plus tôt, c’est parce que leur mobilisation n’était pas terminée. Des personnes trop optimistes, voyant que les Bulgares ne franchissaient pas la frontière dès le lendemain de leur décret de mobilisation, ont cru qu’ils ne voulaient pas la guerre et qu’ils cherchaient seulement à intimider ; mais un décret n’est qu’un morceau de papier, et ce n’est pas avec un morceau de papier qu’on franchit la frontière ; une mobilisation est longue à faire, surtout, lorsque, comme c’était le cas des Bulgares, on en fait une pour la première fois. Quelques jours étaient donc indispensables avant qu’on entamât les hostilités. Les Bulgares et les autres peuples balkaniques