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beauté, l’élégante simplicité de l’ordonnance, vaut à lui seul tout un livre. Et enfin, et en dépit des « variations » de détail que nous signalions tout à l’heure, on remarquera, si je ne me trompe, dans tout ce volume une très suffisante unité d’inspiration, — unité d’autant plus curieuse qu’elle n’a pas été concertée, et que les différens morceaux qui le composent sont d’époques assez différentes : Brunetière a certainement évolué sur le compte de Bossuet ; à proprement parler, il n’a pas, ou il n’a guère changé. Lui-même, dans les dernières années, quand il relisait ses propres écrits, ne pouvait s’empêcher d’en être frappé, et presque surpris. Dans une lettre à l’un de ses critiques que j’ai déjà citée ailleurs, mais qu’il me faut bien citer encore, il écrivait : « Quand on est demeuré fidèle, depuis vingt ans, à cette haine constante de Voltaire et à ce respect pour Bossuet, on peut bien avoir varié d’opinion sur Marivaux, je suppose, ou sur les Parnassiens, mais il y a des chances pour qu’on soit demeuré au fond le même, et, vous l’avouerai-je ? en dépit de l’évolution, j’ai eu peur quelquefois que ce ne fût mon cas. » Il me semble que la lecture de ce simple recueil d’études sur Bossuet mettra bien en lumière la réelle continuité de sa pensée. Assurément, si Brunetière avait publié lui-même ce volume, s’il avait voulu, de ces divers essais, faire un vrai livre ; il aurait élagué certains détails, fortifié certains développemens, modifié quelques proportions, repris et récrit bien des pages. Pour le fond des choses, il n’aurait pas eu beaucoup à changer ; surtout, il n’aurait pas eu à se renier lui-même. Et c’est pourquoi à ceux qui ont admiré, aimé le maître écrivain des Études critiques, nous offrons avec confiance cette « somme » de ses travaux et, de ses réflexions sur Bossuet : ils l’y retrouveront tout entier, et ce livre posthume servira bien sa mémoire.


VICTOR GIRAUD.