-mêmes, il y a trente-cinq ans, n’avaient pas conduit au-delà des Balkans une armée aussi bien au point. Ils venaient de plus loin ; ils avaient quelque peu souffert sur la route ; leur effort s’était prolongé sur une surface plus considérable. Les Bulgares, après une mobilisation qui a paru un peu lente, mais où tout s’est passé dans le meilleur ordre, n’ont eu que quelques marches à faire pour rencontrer l’ennemi. La mobilisation de celui-ci était encore loin d’être terminée ; elle ne l’est pas même aujourd’hui ; elle ne le sera pas avant quelque temps, ce qui s’explique à la fois par l’inaptitude administrative des Turcs, par l’étendue de l’Empire que les troupes éloignées devaient traverser, par l’insuffisance des moyens de transport. Toutefois, s’il y avait là une faiblesse pour l’armée ottomane, elle va chaque jour en s’atténuant et, si la guerre dure, il pourrait finalement en sortir une force. Les Turcs commencent habituellement mal et continuent mieux. Dans la guerre actuelle, leurs ennemis balkaniques ont engagé, dès le premier jour, la totalité de leurs forces, et ces forces ne peuvent ni augmenter, ni se renouveler ; eux, au contraire, augmentent sans cesse en nombre. Leur situation présente, quelque grave qu’elle soit, n’est donc pas encore désespérée.
Leur plan général de campagne parait avoir été bien combiné : il s’est inspiré de ce que nous venons de dire de l’inévitable lenteur de leur mobilisation, qui devait les amener à retarder autant que possible les engagemens décisifs. Risquer la grande bataille avant d’avoir réuni le plus grand nombre d’hommes possible aurait été une faute. C’en aurait été une autre, non moins grave, d’opposer sur tous les points des Balkans des forces équivalentes aux adversaires divers qui s’y présentaient. Si les Turcs étaient vainqueurs des Serbes, des Monténégrins et des Grecs, mais vaincus par les Bulgares, leurs victoires ne leur serviraient pas beaucoup plus que n’a servi aux Autrichiens celle qu’ils ont remportée sur les Italiens en 1866 pendant qu’ils étaient battus par les Prussiens. Sadowa n’a pas seulement compensé Custozza, il l’a supprimé. En revanche, si les Turcs vaincus par les Grecs, les Monténégrins et les Serbes, étaient vainqueurs des Bulgares, leurs défaites perdraient beaucoup de leur importance, leur victoire seule garderait toute son efficacité. Évidemment, c’est ce qu’ils ont pensé quand ils ont arrêté un plan de campagne qui peut se résumer en deux ou trois idées très simples et, au total, très justes : opposer le minimum de forces aux ennemis secondaires, en condenser le maximum contre l’adversaire principal, enfin retarder le choc final. Malheureusement pour les Turcs, l’exécu-