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développées chez l’homme inoculé avec le cowpox, peut à son tour être inoculé à un autre homme et lui conférer l’immunité pour la variolisation et par suite pour la variole.

Ainsi, le cowpox est transmissible de la vache à l’homme et transmissible ensuite de l’homme à l’homme et, dans les deux cas, il immunise l’homme inoculé, qui peut alors être variolisé ou s’exposer à la contagion variolique sans réaliser la variole, même atténuée.

Pour la première vaccination d’homme à homme, le 14 mai 1796, Jenner prit du vaccin sur la main d’une jeune vachère, Sarah Nelmes, infectée par la vache de son maître, et l’inséra, par deux incisions superficielles, au bras de James Phipps, gros garçon de huit ans. Cela réussit parfaitement et le vaccin de cet enfant servit à vacciner plusieurs autres enfans. James Phipps, soumis deux mois plus tard à l’inoculation de la variole, y fut réfractaire. La preuve était faite (Lorain). En 1798, Jenner fit passer le vaccin successivement à travers cinq générations, sans que la force immunisante en eût été affaiblie. C’est là, comme dit très bien Kelsch, le fait capital dans l’œuvre de Jenner.

Ce grand médecin, en effet, n’a point découvert la vertu préservative qui se cache dans le cowpox. Cette notion appartenait au peuple, à qui il l’a empruntée. Mais si, pour arracher aux vaches leur secret, il a été guidé par les notions empiriques du milieu où il vivait, il n’en a pas été de même dans la réalisation de la deuxième partie de son œuvre, celle-là entièrement personnelle, où il démontra que le virus du cowpox, reproduit par le corps de l’homme, possède les mêmes vertus préservatrices que celui qui est fourni par l’animal.

La découverte de Jenner, « contrôlée et vérifiée sur tous les points de l’Angleterre, y suscita un enthousiasme immense. Par une fortune rare, le grand médecin goûta de son vivant les honneurs qui ne sont généralement accordés aux novateurs qu’après leur mort. » Il connut cependant les déboires, eut des détracteurs irréductibles et vit naître la première ligue antivaccinale ; le corps médical de Londres fit une opposition violente[1] ; le Parlement s’en émut et confia, en 1806, au collège des médecins

  1. Est-ce dans ces événemens que Flaubert a trouvé l’idée de sa tragédie Jenner ou la découverte de la vaccine, qu’il voulait écrire avec Bouilhet et Maxime du Camp et dont il n’a achevé qu’un acte sur cinq (en vers) ? — Voyez René Dumesnil, Mercure de France, 1912.