échoué pour la seconde fois à son baccalauréat, lui lança pour toute félicitation :
— Tu t’en moques, hein ! Tu as bien raison, ma pauvre fille. Mieux vaudrait dix mille francs de rente.
Marcelle dit seulement :
— Je vais aller prévenir Mlle Darche ; d’autant que je ne l’ai pas vue depuis quinze jours.
C’était un soir de mai. Dès le dîner, elle partit. Il faisait nuit quand elle arriva à l’appartement de l’avenue Kléber. La femme de chambre eut un air singulier pour lui dire que, Mademoiselle étant souffrante, ne la recevrait peut-être pas.
— Demandez-le-lui toujours, fit la jeune fille, flegmatique.
Une minute après, elle fut introduite dans l’atelier qu’elle aimait tant, si clair avec son illumination électrique, ses boiseries blanches, et les toiles flambantes de la coloriste vigoureuse qu’était la grande Darche. Il y avait au chevalet un portrait commencé : une femme en robe verte qui portait sur sa gorge nue une rose géante et écarlate. Marcelle restait bouche béante devant cette audace. Elle voulait peindre comme Darche, insouciante des sujets, préoccupée seulement jusqu’à l’obsession, jusqu’à la folie, de la lumière, de la couleur ; et, comme elle regardait cette toile, son cœur se mit à battre de désir. Au même instant, une portière se souleva et Nelly en peignoir, la figure cachée dans ses mains, vint à elle, disant dans un sanglot :
— C’est toi, ma petite Marcelle !
Et l’artiste s’abattit sur le canapé, s’y roula le visage dans les coussins.
— Je suis seule à présent, Marcelle, je suis toute seule !
La tête enfouie dans son coude plié, les cheveux défaits, Nelly Darche pleurait comme une petite fille. Ce fut seulement après cette explosion de douleur qu’elle s’expliqua.
— Oh ! ma chérie ! ma chérie ! C’est Fabien qui m’a fait cette peine. Peux-tu comprendre ? Il est marié ; il s’est marié hier, il ne veut plus me revoir, lui, lui, Fabien, mon Fabien, le seul homme que j’aie vraiment aimé !
Marcelle l’écoutait, tremblante, mais les yeux secs, ne trouvant pas une phrase consolatrice. Et Nelly, dans sa désolation, éprouvait une douceur à plonger son regard dans ces yeux si clairs, d’un vert si calme, si froid.
— Nous nous sommes tant aimés ! Ah !… tu connaîtras cela