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grand détriment de leur pouvoir offensif, il ne dépendait pas de la Marine de corriger cette infirmité : mais il dépendait d’elle de ne pas en gratiner nos escadres, qui ont, aussi très grand besoin de savoir, et du plus loin possible, où est l’ennemi, soit pour le joindre, soit pour l’éviter. Cependant, la flotte française n’a pas d’éclaireurs. Elle sera « reconnue » par l’ennemi avant d’avoir pu le reconnaître. C’est lui qui sera maître de garder le contact ou de l’abandonner.

Depuis l’invention de la télégraphie sans fil, permettant l’échange des communications à grande distance, le rôle de l’éclaireur est plus que jamais important, et des bâtimens spéciaux peuvent seuls le remplir. L’éclaireur, en effet, n’est pas un navire de combat. Il n’est armé que pour se défendre contre des bâtimens de son espèce ou de tonnage léger. Avant tout, condition indispensable, sa vitesse doit être très supérieure à celle de l’escadre dont il dépend et à celle des forces ennemies qu’on peut s’attendre à rencontrer.

Les escadres actuelles (types Danton français, Dreadnought anglais, Nassau allemand, Roma italien) donnent de 19 à 20 nœuds. Avant deux ans, cette moyenne sera portée, par l’entrée en service de nouveaux cuirassés, de 20 à 21 nœuds. Aussi, la vitesse de 23 à 24 nœuds est-elle le minimum pour un éclaireur d’escadre. Les derniers types d’éclaireurs allemands (Kolberg et Breslau), les derniers types anglais (Falmouth et Blonde), donnent 26 nœuds ; le dernier type d’éclaireur italien (Quarto) donne 29 nœuds. Le déplacement de ces bateaux est compris entre 3 500 et 5 000 tonnes, suffisant pour accompagner les cuirassés par tous les temps. L’Allemagne en a 20, armés ou prêts à l’être ; son programme en annonce 30. L’Angleterre en possède une quarantaine. Elle a, en outre, ses battle-cruisers, de très fort tonnage, puissamment armés, qui sont des cuirassés extra-rapides pouvant en certaines circonstances suppléer les éclaireurs. Cependant, leur mission principale est de former l’aile enveloppante d’une armée navale, ainsi que de rejoindre promptement et détruire les bâtimens incapables de leur offrir une résistance sérieuse. L’Allemagne a suivi l’Angleterre dans cette voie ; elle a trois battle-cruisers en service et en aura quinze en 1918. La France ne possède aucun bâtiment de ce type, ni à flot, ni en projet.

Si notre liste navale ne compte point d’éclaireurs, ce n’est pas