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REVUE DRAMATIQUE


ODEON : Dans l’ombre des statues, pièce en trois actes par M. Georges Duhamel. — Reprise du Malade imaginaire. — Spectacles divers.


Nous avons tous connu des fils, des petits-fils ou des neveux d’hommes illustres. Quelques-uns s’étaient fait par leur mérite propre une situation personnelle. D’autres, estimant que la gloire du génial ancêtre suffisait à toute la famille, se tenaient pour satisfaits d’en sentir sur eux le reflet. Les uns et les autres étaient reconnaissans à celui qui, une fois pour toutes, avait rendu célèbre le nom qu’ils portaient. Ils jouissaient du murmure que soulevait ce seul nom prononcé. Ils entretenaient en eux et autour d’eux le culte du grand homme ; ils en étaient les premiers fidèles. Et s’ils pouvaient se persuader qu’un peu de cette âme exceptionnelle et de ce rare esprit eût passé en eux, c’était toute leur fierté. Mais un fils irrité de porter un beau nom, souffrant de la gloire accumulée sur la famille, comme d’une injure personnelle, jaloux de son père et craignant par-dessus tout de lui ressembler, nous venons de rencontrer pour la première fois ce singulier individu dans la pièce curieuse, bizarre et pénible de M. Georges Duhamel, que l’Odéon représente dans sa série des demi-chefs-d’œuvre.

Emmanuel Bailly fut, comme chacun sait, un des plus grands esprits du siècle dernier. C’était Pasteur, Taine ou Renan, ou les trois ii lui tout seul. Il y a dix ans qu’il est mort, et il n’a pas encore sa statue ! Mais l’heure a sonné pour lui des justes réparations, quand commence Dans l’ombre des statues. L’érection d’une statue, produit d’une souscription nationale, va consacrer sa gloire et faire résolument entrer son nom dans l’immortalité. On comprend que ce soit dans la (famille du défunt un événement considérable et un terrible branle-bas.