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REVUES ÉTRANGÈRES

LES SOUVENIRS D’UN PHILHELLÈNE


Die Irrfahrten des Daniel Elster, nouvelle édition revue et remise au point par M. Hans Martin Elster. — Deux volumes in-8, Stuttgart, librairie Lutz, 1912.


Lorsque, vers le milieu de mars de l’année 1813, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III avait appelé solennellement la jeunesse allemande à s’armer pour la délivrance de la terre natale, un collégien de seize ans, Daniel Elster, s’était empressé de jeter ses livres et d’abandonner ses classes pour venir demander à ses parens la permission de prendre part, lui aussi, à la lutte sacrée. Mais son brave homme de père, qui était forgeron dans un petit village de Thuringe, n’admettait pas l’idée d’avoir inutilement dépensé tout l’argent employé par lui, depuis plusieurs années, à l’éducation d’un fils dont il avait résolu de faire un pieux et paisible pasteur luthérien. « Jeune garnement-ignorant, — avait-il dit à son Daniel, — penses-tu donc que j’aie dépensé tout cet argent pour qu’après cela tu deviennes un soldat ? Crois-tu que ta patrie te récompensera un jour de ton sacrifice ? T’imagines-tu qu’un temps meilleur arrivera, au sortir de celui que nous traversons ? Pour moi, en tout cas, je suis parfaitement certain du contraire ; et que, si tu refuses d’écouler mes sages avis, si tu persistes à vouloir empoisonner et abréger les jours que Dieu me donne encore à vivre, tu cesseras désormais d’être mon fils, et n’auras plus le droit de comparaître devant mes yeux ! »

Si bien que le pauvre garçon avait dû obéir. Il avait simplement obtenu l’autorisation de changer de collège, — étant par nature de