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Glatigny, l’auteur des Vignes folles ; il croit trouver sa propre voie, en découvrant les Flèches d’or de ce souple improvisateur. Il demeure ébloui devant la « géniale entrée en scène » de Catulle Mendès et, quarante ans plus tard, il citera de mémoire avec des témoignages enthousiastes le prologue de ce premier recueil de vers, Philomela, qui fut « avec les Vignes folles, » écrit-il, « son livre de chevet. »

Au sortir du collège, il poursuit sans méthode, mais sans répit, ses investigations d’impatient chasseur d’idées, d’émotions, d’images. Il ouvre, avec une curiosité de bon aloi, les écrits du grand philosophe des temps nouveaux, notre Descartes, et ceux du moraliste cher à Mme de Sévigné, le rigoureux et délicat janséniste Nicole ; mais il y joint, avec une candeur bien regrettable assurément, le par trop pauvre et trop grossier catéchisme matérialiste de l’Allemand Büchner, Force et Matière. Ses historiens favoris sont Michelet, Henri Martin, Louis Blanc, — et le pamphlétaire Rogeard, l’auteur de ces Propos de Labiénus, considérés par plus d’un étudiant de la fin du Second Empire comme aussi éloquens ou même aussi profonds que les Annales de Tacite. Il est Proudhonien, pour avoir feuilleté assidûment La Justice dans la Révolution et dans l’Église. Parmi les critiques classiques dont il a reçu des directions, figurent, on s’en douterait, Villemain, Sainte-Beuve ; mais il s’est plongé très avant dans la Littérature anglaise de Taine ; surtout, il s’est initié au maniérisme violent, à la rudesse originale, à la subtilité hardie, acérée, abusive, des auteurs dramatiques anglais du XVIe siècle et plus encore à la cynique effronterie de mœurs d’une Italie de décadence, en s’éprenant de Shakspeare, de Marlowe, Webster, Ford, Ben Jonson, ce qui était permis, en s’engouant aussi, ce qui pouvait être fâcheux, de ce brillant goujat de lettres, l’Arétin, à travers les travaux non pas précisément solides, mais suggestifs, de Philarète Chasles. Très friand de couleur locale, il va droit aux vieux chroniqueurs : Palma Cayot, le Loyal Serviteur, le Journal de l’Estoile, et il se plonge aussi dans les Mémoires : il savoure le parler du vieux Montluc et ses harangues glorieuses ; il suit de tous ses yeux les pénétrans coups de burin de Saint-Simon. Il fait ses dévotions dans d’Aubigné, vigoureux prosateur, Apre, émouvant, original poète. Il a fouillé les traductions des grands auteurs dramatiques ou épiques de tous les temps, celles de Goethe, de Shakspeare, de