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sont plus l’imitation, mais, à vrai dire, le retour, la réapparition des impressions autrefois éprouvées :

Ce sera comme quand on a déjà vécu.
................
Ce sera comme quand on rêve et qu’on s’éveille,
Et que l’on se rendort et que l’on rêve encor
De la même féerie et du même décor,
L’été, dans l’herbe, au bruit moire d’un vol d’abeille.

Il n’y a pas de commun » ; mesure entre ces pièces, frissonnantes d’émotion, et le travail de pur littérateur qu’exécutait, dans le même moment, — pour rentrer, je suppose, en grâce auprès des éditeurs, — l’original, l’âpre poète : je veux parler des contes en vers, Crimen amoris, La Grâce, Don Juan pipé, L’Impénitence finale, Amoureuse du diable. Abusé sans doute par la date présumée de la publication de ces « diaboliques » versifiées, un des admirateurs malencontreux de Verlaine, — il en eut plusieurs, — insiste avec candeur sur le progrès qu’une si « hardie conception » accuse, par rapport aux écrits antérieurs, sans excepter même Sagesse. La vérité est celle-ci. Quatre de ces contes furent écrits pendant deux mois de l’été de 1873, et pas du tout onze ans plus tard, c’est-à-dire à l’époque du volume Jadis et Naguère (1884), dans lequel ils parurent tous. Qu’on se reporte aux indications du manuscrit : Crimen amoris : « Brux, juillet 1873 ; » La Grâce : « Brux, août 1873 ; » Don Juan pipé : « Brux, août 1873 ; » L’impénitence finale : « Brux, août 1873. » Le dernier conte : Amoureuse du diable, est, par exception, daté ainsi : « Mons, août 1874. »

Quant au mérite, trop surfait, de ces récits improvisés, je ne prendrai pas l’attitude paradoxale de le contester pleinement. Si cette sorte de divertissement se rencontrait chez un Parnassien qui ne fût pas Verlaine, il y aurait lieu de démêler, dans cet ensemble assez grimaçant, assez froid, beaucoup de traits heureux de fantaisie ou d’ironie. Mais ce n’est pas à un poète comme celui-ci qu’il faut savoir beaucoup de gré de nous avoir donné ces » visions, » « légendes » et « chroniques parisiennes, » rappelant, tout, Banville, Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, et Verlaine lui-même, mais le Verlaine seulement des parodies initiales dans les Poèmes Saturniens. Pourtant, le conte complémentaire, écrit dans la prison de Mons, et qui, pour la trame