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Voici mes mains, » deux ou trois autres pièces encore. En revanche, combien de pages du recueil imprimé trahissent la profane inspiration des Romances sans paroles ou semblent suggérées par le souci des événemens politiques du jour ! Cellulairement nous avait donné cette joie si rare et ce désir, unique désormais, de ne découvrir dans Verlaine qu’un « homme, » et, de nouveau, nous avons vu poindre « l’auteur ! »

C’est une déception. Mais que deviendrait-elle, si nous poursuivions jusqu’au bout l’étude des œuvres et qu’il nous fallût observer les manifestations de cette stérilité, de cette sénilité précoce, qui s’explique surtout par le retour assez rapide aux habitudes déréglées. Le feu de l’âme s’est éteint : ce sont des cendres seulement qui obstruent le foyer. Verlaine fut peut-être le premier à le savoir. Mais il avait acquis enfin chez les littérateurs une réelle popularité : sachant mieux que personne ce qu’il avait été et ce qu’il n’était plus, il subissait sa gloire. Dans un cercle, d’ailleurs restreint, tout ce qu’il produisait était loué, exalté, imité, moins pour les mérites que pour les tares. Certaines parties de Jadis et Naguère offraient de quoi se faire illusion ; mais, là même, nous avons compté ce qui doit revenir au manuscrit de Cellulairement. Presque aussitôt après, la pente est descendue avec une vitesse si fatale, et l’engourdissement des facultés devient si absolu, que cette simagrée de poésie, après la conquête de l’idéal, doit offenser un regard clairvoyant, doit glacer douloureusement une admiration sincère. Ce serait un travail ingrat que d’expliquer la décadence du talent de Verlaine après s’être efforcé d’en mesurer la grandeur. Quels que soient les devoirs d’une critique impartiale, il doit m’être permis de m’en tenir à mon sujet, l’étude approfondie du manuscrit de la prison de Mons, et de ne pas infliger au lecteur, sans y être contraint, le spectacle désespérant d’une organisation de très rare valeur, qui ne travaille plus qu’à se détruire.


ERNEST DUPUY.