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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/655

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des instructeurs espagnols, et, en conséquence, à prendre certaines mesures… C’est une question d’honneur national. Il ne s’agit ni d’une aventure ni d’une association dépassant les limites de nos engagemens. Mais nous avons besoin de la confiance de tous pour nous concerter avec la France. »

Les derniers mots révélaient exactement les intentions du gouvernement royal. Il était résolu à se délier des clauses restrictives de la convention de 1904 ; mais il n’allait pas encore jusqu’à songer à le faire sans le consentement de la France, et son but était d’obtenir ce consentement. Le 28 avril, c’est-à-dire trois semaines après le discours de M. Canalejas, M. Perez Caballero, ambassadeur d’Espagne à Paris, remettait à M. Cruppi une note qui ne faisait d’ailleurs que résumer des conversations antérieures en précisant les points du traité de 1904 que l’Espagne entendait modifier avec l’aveu de la France. Il s’agissait de déclarer que la troisième des éventualités prévues par l’article 3 de l’accord de 1904 (impuissance persistante pour affirmer la sécurité et l’ordre publics) était réalisée ; que, par suite, l’Espagne était libre d’exercer son action dans sa zone ; qu’enfin l’action espagnole pourrait être une action militaire si les circonstances l’exigeaient.

Cette prétention rencontra à Paris une vive opposition. Il fut répondu que l’autorité chérifienne n’avait pas disparu ; que la France lui fournissait l’aide dont l’acte d’Algésiras même avait reconnu qu’elle avait besoin pour se consolider ; que la situation prévue par le traité de 1904 était donc loin d’exister. M. Cruppi, ministre des Affaires étrangères, se déclarait prêt, en revanche, à donner à la collaboration économique avec l’Espagne une forme plus active ; à négocier sur les chemins de fer, sur les emprunts ; à sortir du regrettable mutisme des derniers temps. Mais l’heure était passée où l’Espagne se fût peut-être contentée de telles satisfactions. Elle voulait autre chose et, dans le courant de mai, revenant à la charge, elle demandait à M. Cruppi, — s’il refusait de considérer comme réalisée l’hypothèse de l’article 3 du traité de 1904, — d’accepter du moins que la seconde période envisagée dans l’article 2 du même traité comme devant commencer en 1919, fût déclarée ouverte dès 1911. M. Cruppi refusa derechef, ne voulant entendre parler pas plus de l’article 2 que de l’article 3 et persistant à se maintenir sur le terrain de l’article 1er.