L’esprit ne peut avoir pour ami que lui-même,
A l’instant pathétique où s’approche la nuit :
Laissez-moi recueillir, comme un bienfait suprême,
La pourpre du ciel qui s’enfuit.
Je ne veux rien sentir que votre grâce, ô choses,
Le reflet d’un reflet et l’écho d’un écho,
La brise qui secoue en l’âme mille roses,
Et laisse au front sa fraîcheur d’eau.
Que ton urne, ô silence, inclinée à ma bouche,
Me verse son lait sombre et son enchantement,
Et que sur ma terrasse où traîne sa babouche
Le Bonheur passe lentement.
L’ombre s’ajoute à l’ombre et l’arôme à l’arôme,
Une gaze légère apaise les couleurs :
Fez, la sainte, n’est plus qu’une ville fantôme
Qui se dilue en des pâleurs.
Laissez-moi. Laissez-moi. La tâche est achevée !
Le vieux Moghreb se tait, sous l’azur indulgent.
Fraternelle, là-bas, la lune s’est levée,
Traînant un long haïk d’argent !
Ah ! que vienne vers moi mon amante irréelle,
La Sultane Indolence aux gestes de velours,
Pour que je dorme enfin, jusqu’à l’aube nouvelle,
Sous ses regards tristes et lourds.
Un palmier se dessine au loin, parmi la brume :
La ville dort ; le jour hésite dans le ciel,
Les citronniers fleuris évaporent leur miel,
Le vent léger agite un éventail de plume.