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La tendance à la libre coopération des Dominions et de la métropole sur le terrain de la stricte autonomie locale a, en définitive, triomphé à la conférence de la tendance à la concentration, qui limite forcément cette autonomie. Il apparaît du reste, à la lumière des faits, que, pour être plus lente, la première des deux méthodes rivales peut cependant être féconde. Mais, depuis la clôture de la conférence, un événement considérable s’est produit. L’homme dont le long et brillant passé, la souple intelligence et le talent oratoire avaient le plus contribué à faire écarter tout essai d’institution centrale était sir Wilfrid Laurier. Aussi bien que son attitude à la conférence, le traité de réciprocité commerciale qu’il venait de conclure avec les États-Unis et qui semblait incompatible, — encore qu’il s’en défendit, — avec les projets d’Union douanière impériale, le posaient en champion irréductible du particularisme colonial. Or sir Wilfrid Laurier vient d’être précipité du pouvoir, aux élections canadiennes du 21 septembre, sur le terrain même de l’impérialisme. A voir changer de camp la plus grande et la plus prospère des colonies, qui doit au merveilleux essor de sa richesse tant de prestige à travers tout l’Empire, les impérialistes purs, les partisans de la concentration, poussent des cris de triomphe. Vont-ils maintenant l’emporter ?


VI

Que signifient exactement ces élections canadiennes ? Le traité de réciprocité, qui en a été le grand tremplin, avait été conclu avec les États-Unis par sir Wilfrid Laurier pour donner satisfaction aux agriculteurs de l’Ouest canadien. Dans les immenses « Prairies » qui s’étendent des Grands Lacs aux Montagnes-Rocheuses, sont venus s’établir depuis vingt ans, depuis dix ans surtout, des centaines de mille colons. La production canadienne du blé, qui vient presque exclusivement de ces régions, a passé de 22 millions d’hectolitres en 1900 à 59 millions en 1909. Ce blé, et le bétail qu’on élève aussi en immenses troupeaux, il faut naturellement en exporter la plus grande partie. Dès lors l’agriculture de l’Ouest a trois préoccupations essentielles : abaisser ses prix de revient pour mieux lutter avec ses conclurons de l’Argentine, de l’Inde, de la Russie ; s’ouvrir des débouchés aussi nombreux que possible ; transporter ses