tiers de ceux qu’ils détenaient et la situation parlementaire est entièrement retournée.
Comment cette écrasante défaite des libéraux canadiens est-elle considérée comme une victoire de l’impérialisme ? C’est ce qu’il faut maintenant expliquer.
La grande bataille de la campagne électorale s’est livrée sur le traité de réciprocité, question purement économique, semble-t-il au premier abord. Mais, soit conviction profonde, soit habileté tactique, les adversaires de la réciprocité ont élargi le terrain. Il ne s’agit pas, disent-ils, d’une simple affaire commerciale ; c’est une question bien plus haute, c’est un problème national qui se pose. L’abaissement des barrières douanières entre les Etats-Unis et le Canada n’est qu’un premier pas. Aux nouveaux liens économiques, qui vont se nouer, succéderont bientôt des liens politiques. Au bout de la voie où M. Laurier engage le pays, se trouve fatalement l’annexion du Canada aux États-Unis. Quelques paroles imprudentes prononcées aux États-Unis par des champions de la réciprocité, et non des moindres, servent à corroborer l’argument. Le président Taft n’a-t-il pas déclaré que le Canada se trouvait à un tournant de son histoire, au point où il faut choisir entre deux voies, at the parting of the ways, et M. Champ Clark, speaker de la Chambre des Représentans, l’un des chefs le plus en vue du parti démocrate qui va peut-être reconquérir le pouvoir, n’a-t-il pas laissé entendre qu’un mouvement naturel et inévitable conduirait le Canada et les Etats-Unis de la réciprocité à l’union économique, et de l’union économique à l’union politique ? Le Canada veut-il abdiquer sa personnalité, se perdre dans l’énorme masse des Etats-Unis ? Veut-il au contraire poursuivre son existence indépendante qui, grâce à ses magnifiques ressources, le mènera un jour à une fortune presque aussi éclatante que celle de ses superbes voisins ?
C’est l’argument purement national. Peut-être repose-t-il sur un sophisme, car ce n’est pas en refusant tout aux gens de l’Ouest, c’est en leur faisant, au contraire, certaines concessions qu’on les empêchera de se jeter dans le séparatisme et de prôner l’annexion aux Etats-Unis comme le seul moyen de satisfaire leurs besoins économiques. Juste ou non, il faut reconnaître qu’il porte beaucoup, et sur les Canadiens anglais de l’Ontario, et sur nombre de Canadiens français qui voient,