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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Si M. Lucien Hubert n’avait l’âme d’un doux philosophe, il pourrait, à cette heure, et depuis bien des heures, contempler amèrement la déroute de sa grande idée. Il aurait voulu que la Chambre jurât à la nation, d’abord de ne point parler du tout de l’accord franco-allemand, puis de n’en parler que très peu ; et elle en a parlé huit jours. Rendons-lui sans retard cet hommage que ce fut en général par des orateurs choisis et à qui les Immortels, conducteurs de leur langue, firent le plus souvent la grâce qu’ils ne dissent rien qui pût être repris. Au point de vue de la forme, et pour sa tenue correcte, la discussion fut même de celles dont on aime à écrire qu’elles honorent la tribune française. Le débat s’ouvrit devant une assemblée au complet, députés, auditeurs et spectateurs, spectatrices aussi que ces joutes illustres attirent et qui traverseraient héroïquement un fleuve d’ennui pour aller cueillir sur l’autre rive une fleur de rhétorique, ou simplement assister du bord d’une empoignade, voire à un pugilat. Jeux de l’hémicycle ou du cirque, ce sont des jeux, et chacun prend son plaisir où il le trouve. Cette fois, dès les premiers mots, le plaisir fut noble, grâce à M. le comte de Mun, qui fit en ce débat sa rentrée. Voilà dix ou douze ans que cette voix éloquente, l’une des plus mâles et des plus pures qui aient jamais été entendues, se taisait, sous la contrainte de la maladie. Que de soirs, au sortir de la Chambre, de 1902 à 1905, tandis que se poursuivait méthodiquement la campagne contre tout ce qui fait la foi et la vie de M. de Mun, tandis que, les lois contre les congrégations et sur la séparation de l’Église et de l’État s’élaborant article par article, s’élevait en quelque sorte pierre à pierre ce qui pour M. de Mun était le temple du Mal, nous avons songé avec sympathie à la tristesse dont son cœur devait être rempli, et que l’accep-