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de confort ou de luxe dont le temps présent a doté leur demeure ; le peuple ne le pouvait pas. Il lui faut des progrès qui ne coûtent rien, ou peu de chose. Ce sont les seuls dont ses ressources limitées lui permettent de profiter.

S’il en est ainsi, si nous n’arrivons pas à créer les maisons plus aisément, par conséquent à moindres frais, que nos pères, et que le coût du logement suive normalement, le mouvement général des prix, personne ne pourrait être mieux logé sans débourser davantage ; et comment la masse de la nation, qui vit de son travail, débourserait-elle davantage si la hausse des loyers est égale à la hausse des salaires ?

Sommes-nous donc en présence d’une fatalité insurmontable ? Car la Puissance Politique chasserait de leurs maisons une poignée de riches et confisquerait tous les immeubles à locataires dont les possesseurs tirent un revenu, que cela n’améliorerait en rien la condition de la généralité des Français ; puisque ces logemens, sous la main de l’Etat, seraient ce qu’ils étaient la veille : ni plus vastes, ni mieux aménagés, ni plus nombreux. Cela ne supprimerait même pas le loyer ; parce que l’Etat et les villes devraient récupérer, sous forme d’impôts sur les occupans, les centaines de millions de taxes sur le capital et sur le revenu, directes ou indirectes, sur les ventes, donations, successions, que la suppression de la propriété privée aurait fait disparaître. L’Etat aurait à se procurer aussi, par voie de contribution, de quoi entretenir les maisons existantes ; quant à en bâtir de nouvelles, cela serait difficile faute d’argent. La population, dans son ensemble, ne serait pas mieux installée, et peut-être serait-elle moins à l’aise, vu le trouble apporté par une pareille spoliation.

La Loi, qui répartit, prétendrait en vain se substituer à la Science, qui enfante. La Loi peut détruire les palais, la Science seule peut embellir les chaumières. Si son œuvre n’a pas été, sur ce terrain de l’habitation, aussi efficace que sur d’autres, a-t-elle été vaine pourtant depuis six siècles, et comment la mesurer ?


I

L’histoire des loyers ne suffirait pas à nous renseigner là-dessus. Le progrès réel ne dépend pas de leurs variations : les