Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/374

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on remarque aussi pour le chevron, qui valait au temps de la Renaissance le double du bois moins façonné, tandis qu’il coûte aujourd’hui le même prix ; sans doute à cause des frais minimes du sciage à la vapeur. Dans la menuiserie on ne saurait expliquer comment nombre d’articles étaient aussi coûteux que de nos jours, sinon par ce fait que la part plus grande de main-d’œuvre compensait autrefois le bon marché de la matière.

On est surpris de voir qu’au château de Fontainebleau (1531) les « planchemens faits sur les aires des salles, chambres et cabinets » se payent 18 francs le mètre carré, plus cher que nos planchers modernes à point de Hongrie les mieux soignés. À Paris, en 1714, d’après le tarif de l’Almanach Royal, les parquets avec leurs lambourdes étaient cotés 29 francs le mètre, et les planchers communs à Bordeaux, à Bourges, à Soissons, se payaient au XVIIIe siècle de 3 fr. 50 à 9 francs ; prix qui ne sont pas inférieurs aux nôtres suivant l’essence des frises que Ion emploie. Le travail n’était d’ailleurs pas mieux exécuté. puisqu’un opulent seigneur, comme le cardinal de Richelieu, se croyait obligé de commander à Paris le plafond de bois du corps de garde, pour son château de Touraine, « parce que, dit-il, je désire qu’il soit beau et bien fait. » Il était naturel que l’on ne couvrît guère en ardoises lorsque, même dans le voisinage d’un centre de production comme Angers, sur les bords de la Loire, à Nantes ou à Orléans, le mille d’ardoises valait moitié plus et, dans des localités moins favorisées, trois fois plus que de nos jours. Les riches couvraient parfois leur château en plomb, en lames de cuivre comme à Marnay (Franche-Comté), ou en pierres de liais de 10 centimètres comme à Saint-Germain, dont la toiture ressemblait à une pyramide.

Ces particularités offrent peu d’intérêt pour l’histoire des classes moyennes et populaires qui nous occupe ici ; tandis qu’il est fort curieux d’observer que les toitures en chaume ont coûté depuis six cents ans, à peu de chose près, tout autant que de nos jours : au prix de 5 fr. 50 le quintal, année moyenne, les trente kilos de paille, au mètre carré, qu’absorbe ce genre de couverture correspondent aujourd’hui à 1 fr. 65 ; somme qui peut être regardée comme identique à celles que représenta d’ordinaire, du moyen âge au XIXe siècle, le mètre de toit des chaumières françaises.