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réussissent à nous cacher jusqu’aux défauts les plus manifestes du corps ou de l’âme de leur fils bien-aimé.


Les défauts de l’âme, — ou, en tout cas, du tempérament artistique, — d’Holbein le Jeune, j’imagine que personne ne pourra s’empêcher de les apercevoir, ainsi que je viens de le faire moi-même une fois de plus, en feuilletant le beau livre où un savant historien bâlois, M. Paul Ganz, a reproduit la série à peu près complète des peintures du maître, soigneusement classées suivant l’ordre des dates. Mais comment parler des défauts d’un homme tel que celui-là avant d’avoir hautement rappelé ses qualités, — et surtout en présence d’un livre où le classement chronologique des tableaux d’Holbein nous permet d’ajouter, aux vertus professionnelles du maître qui déjà nous étaient connues, celle encore d’un progrès ininterrompu, rehaussant presque de jour en jour la claire et somptueuse beauté d’un art que nous voyons naître et grandir devant nous, s’épanouir en une floraison d’une richesse admirable ? Ah ! s’il n’y avait pas à Bâle les centaines de dessins où le maître augsbourgeois nous fait entendre précisément, pour ainsi dire, l’écho profond de cette montée triomphale de toute sa carrière, combien la plupart des peintures exposées là, et datant des premières périodes de la vie d’Holbein, nous renseigneraient mal sur les ressources et la portée décisives d’un génie destiné à explorer et à s’approprier, tour à tour, les plus intimes secrets de l’idéal nouveau de la Renaissance ! Quel chemin parcouru, en un quart de siècle, non seulement depuis les Passions du musée de Bâle jusqu’aux fresques décoratives du Stahlhof de Londres (à en juger du moins par les copies anciennes de ces étonnantes peintures, aujourd’hui détruites), mais depuis l’Amerbach et le Bourgmestre Meyer jusqu’aux portraits des courtisans d’Henri VIII, ou des membres de la Guilde des négocians allemands de Londres ! Dessin et couleur, tous les élémens du « métier » se transforment, d’un même élan continu, revêtent une grandeur, une puissance, une grâce souveraines. Lorsque naguère le jeune peintre, profitant de plusieurs commandes qui lui étaient venues de Lucerne, s’en est allé étudier, — à Côme, à Milan, peut-être même à Parme, — la production contemporaine de ses illustres confrères italiens, c’est à peine si le profit qu’il a retiré de cette étude, au point de vue de la composition générale et de la lumière, a eu de quoi racheter l’oubli fâcheux des traditions de la simple et solide probité allemande. Tandis que maintenant, à Londres, voici que Mantegna et Titien tout ensemble, la