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comme devant, peut-être même avec aggravation. « Je ne reviens point de mon étonnement, dira le bon Mercy-Argenteau[1], sur la courte durée des impressions faites par Sa Majesté l’Empereur sur l’esprit de la Reine, et, après avoir vu cette auguste princesse, pendant deux mois, si bien pénétrée des vérités utiles qui lui ont été représentées, il est inconcevable que toutes choses reviennent à un état réellement pire qu’il n’était avant le voyage de l’Empereur. J’ai lieu de croire que le règlement écrit par Sa Majesté a été supprimé et jeté au feu ! »


Au bout du compte, le seul résultat appréciable, — et il est important sans doute, — du voyage de Joseph est le rapprochement conjugal qui s’opère à Versailles dans les premières semaines qui suivent le départ du souverain. « Enfin, me voilà reine de France ! » s’écriera Marie-Antoinette en s’adressant à sa lectrice, Mme Campan, entrée un matin dans sa chambre. Louis XVI lui-même, à quelque temps de là, envoie à son beau-frère ces lignes où respire une naïve et touchante fierté : « Vous me reprocherez de ne vous avoir pas mandé ce qui s’est passé entre la Reine et moi. J’attendais quelque chose de plus pour vous en faire part. Deux fois, nous avons eu quelques légères espérances ; mais, malgré qu’elles n’aient pas réussi, je suis sûr d’avoir fait tout ce qu’il faut, et j’espère que l’année prochaine ne se passera pas sans vous avoir donné un neveu ou une nièce[2]. » Après ces confidences intimes, il ajoute d’un ton attendri : « C’est à vous que nous devons ce bonheur, car, depuis votre voyage, cela a toujours été au mieux, jusqu’à parfaite conclusion. » A quoi l’Empereur réplique en ces termes encourageans : « Les nouvelles que vous voulez bien me donner de votre lien conjugal me font le plus grand plaisir, et vous voulez même presque me laisser l’opinion d’y avoir contribué par mes propos… Continuez de même. »

Prochainement, en effet, apparaîtront des symptômes de grossesse, et à Versailles les gens bien informés devinent à qui revient l’honneur de ce grand événement. « On en attribue le

  1. Lettre à Marie-Thérèse, du 17 octobre 1777. — Correspondance publiée par d’Arneth.
  2. Lettre du 22 décembre 1777 à l’Empereur, citée par M. le comte de Pimo-dan, dans son livre récent sur le Comte de Mercy-Argenteau.