Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/784

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la bavette, pour citer le langage du temps, restaient encore nombreux dans l’état-major de l’armée. Vainement avait-on décrété que nul ne pourrait parvenir au commandement d’un régiment avant vingt-trois ans d’âge et sept ans de service : cette règle, bien insuffisante, était constamment violée.

A Saint-Germain revient l’honneur d’avoir déraciné ce déplorable usage. Désormais aucun officier, « quand même il serait de la naissance la plus distinguée, » ne sera gratifié du grade de colonel, s’il n’a au moins quatorze ans de service, dont six comme colonel en second, et s’il n’est bien noté par ses chefs hiérarchiques. Ainsi la porte s’ouvrait-elle aux officiers que leur manque de fortune condamnait jusqu’alors à ne pouvoir s’acheter un régiment et qui demeuraient confinés, quel que fût leur mérite, dans les grades inférieurs, majors ou capitaines, Quant aux colonels sans emploi, dont la foule encombrait l’armée, ils ne pourraient monter à un grade supérieur qu’après avoir effectivement exercé leurs fonctions pendant une durée de six ans. Pour utiliser ces derniers et pour occuper leurs loisirs, le ministre ressuscitait l’ancienne institution des colonels en second. Mais il n’eut guère à se féliciter du résultat de cette mesure. Il s’ensuivit dans bien des régimens des confusions d’autorité, des conflits personnels, qui furent encore aggravés par de mauvais choix, Saint-Germain ayant fait la faute de s’en remettre à des subordonnés de la nomination des colonels en second. Il s’en confesse, dans ses Mémoires avec une touchante bonhomie : « Tout ce que j’ai essuyé de blâmes et de reproches au sujet de ces colonels ne peut se concevoir, écrit-il, et il faut convenir que ces reproches étaient mérités. »

Pour compléter cette partie de son œuvre, Saint-Germain décidait, de plus, que le corps d’officiers, du haut jusqu’en bas de l’échelle, serait, en temps de paix, astreint dorénavant à un service actif. Jusqu’alors, pour les chefs, tant colonels que généraux, l’absence était la règle, la présence au corps l’exception. A peine quelques mois chaque année, pendant la belle saison, les voyait-on vaquer à leur emploi ; tout le reste du temps, ils vivaient à la Cour, à Paris ou dans leurs châteaux, abandonnant aux subalternes le commandement et l’administration des troupes. Il fallut changer de méthode, résider dans sa garnison au moins six mois par an, du premier avril jusqu’au premier octobre, ne s’absenter qu’avec un congé régulier, sous