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inclinée par l’âge, aux gestes doux et caressans, à la parole limpide et sonore, révèle une nature aimable, souple et cependant résolue, ne heurtant rien, ne brisant rien, mais ne se laissant pas facilement arrêter en ses décisions et en ses plans bien fixés.

Dans la carrière si longue et si mouvementée qu’il a parcourue depuis sa sortie de l’Ecole polytechnique, soit comme ingénieur, puis inspecteur général des Mines, soit comme délégué à la Guerre en 1870, puis conseiller général, sénateur presque inamovible, — car voilà trente-six ans qu’il représente le département de la Seine, — soit comme ministre deux fois des Travaux publics, quatre fois des Affaires étrangères, six fois de la Guerre, puis quatre fois président du Conseil, président, on peut dire à vie, de la Commission de l’Armée, membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie française, partout il a révélé un esprit lucide et savant, acharné au travail, capable de toutes les tâches, demandant beaucoup à ses collaborateurs, mais ne s épargnant à lui-même aucune fatigue et toujours dévoué à son pays. Sans doute, comme tout homme politique, il a eu ses erreurs, mais il les a eues de bonne foi et n’a mis aucune mauvaise grâce à les reconnaître. La Providence lui a laissé dans un âge avancé toute sa robustesse d’esprit, toute sa clarté et sa facilité d’expression. C’est le sentiment même qu’on éprouve à la lecture des Souvenirs qui n’embrassent encore qu’une période de trente années, mais dont la suite et la fin, nous l’espérons, ne se feront pas attendre.


Si je devais étudier de près les intéressans événemens dont M. de Freycinet retrace les phases si curieuses, il me faudrait leur consacrer plusieurs articles. Devant forcément me restreindre, je concentrerai mes observations sur trois périodes historiques : la Révolution de 1848, le coup d’État de 1851 et la guerre de 1870, ce qui comprend d’ailleurs plus de la moitié de l’ouvrage.

Elève de l’Ecole polytechnique en deuxième année, lors de la chute de Louis-Philippe, M. de Freycinet prêtait comme ses camarades une certaine attention à la campagne des Banquets menée au nom de la Réforme électorale. Le banquet de Chaillot, interdit par la police, fut le signal des premières barricades.