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au monde ne l’eût empêchée. Si le parti républicain, représenté par Gambetta, Jules Favre, Jules Simon et les autres, n’eût ramassé l’autorité déchue, c’étaient les communistes, ceux du 18 mars, qui s’en seraient emparés.

J’ai vu, de mes yeux vu, sur les marches du Palais-Bourbon, des individus comme Regère et Bergeret, coiffés du bonnet rouge, et je les ai entendus crier : « Vive la Révolution ! » On a dit que le Corps législatif aurait pu, même après l’envahissement de la salle, reconstituer un gouvernement. Il n’avait plus le moindre prestige. Ce qu’il aurait pu faire encore le 3 septembre au soir, il lui eût été impossible de le faire le 4. « Ce qu’on peut regretter, avoue M. de Freycinet, c’est que le nouveau gouvernement ne se soit pas donné une base plus large. En se recrutant exclusivement parmi les députés de Paris, il a diminué son autorité sur la province ; il a risqué d’éveiller des susceptibilités préjudiciables aux communs efforts. Son excuse, — et en même temps sa faute, — réside dans une conception stratégique dont les militaires qui l’entouraient auraient dû le préserver. Il a cru que la guerre se résumerait dans la résistance de Paris. Il ne s’est pas dit que le siège d’une place forte, si importante soit-elle, ne doit être qu’un épisode. Son erreur, trop partagée par le public, s’affirme avec une entière bonne foi dans la déclaration officielle du 6 septembre. » Le gouvernement de la Défense nationale déclarait que là où est le combat, là doit être le pouvoir ; que c’était dans Paris que devaient se concentrer les espérances de la Patrie. « Quelle hérésie militaire ! s’écrie M. de Freycinet. Renfermer le gouvernement dans la place assiégée, c’était le condamner à capituler avec elle ; c’était briser la résistance de la France et la limitera la défense de Paris. En outre, on viciait fatalement les opérations des armées de province, puisqu’on allait les obliger à pivoter autour de la défense de la capitale, au lieu de les laisser évoluer en conformité des règles de la stratégie. Que de fois j’ai gémi sur la dure loi qui pesait sur nous ! Que de fois j’ai déploré les chances favorables qui nous étaient ainsi enlevées ! Les pouvoirs publics auraient dû résider partout ailleurs que dans Paris, de manière à rester en communication directe avec les départemens et à préparer la prolongation éventuelle de la résistance au-delà de la durée même du siège. »

Ces considérations sont exactes, mais il faut tenir compte de