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généralisé, est demeuré partiel, au grand préjudice des intérêts français qui étaient en cause. »

Cela était plus que singulier, cela était monstrueux. Un gouvernement, prétendant négocier bona fide, profitait de l’ignorance inouïe de l’autre pour excepter une armée de l’armistice général afin de l’écraser subrepticement, ce gouvernement méritait qu’on lui infligeât la flétrissure qui lui était due et que l’histoire lui gardera. Pourquoi le général Trochu, président de la Défense nationale, n’a-t-il pas exigé que le général de Beau fort d’Hautpoul revînt à Versailles avec Jules Favre ? Ce général avait été pourtant plus énergique que le général de Valdan. Il avait protesté avec véhémence contre l’occupation du département de la Mayenne ; il avait demandé qu’on laissât le Doubs à Bourbaki en neutralisant la Haute-Savoie et le Jura ; il avait refusé l’occupation de la banlieue de Paris par l’armée allemande et d’autres conditions pénibles pour la capitale. Sans bien savoir où il allait et ce qu’on voulait, il avait militairement parlé aux Allemands. Il aurait dû revenir traiter au sujet des dernières clauses. Mais devant son énergie, Bismarck et Moltke firent comprendre qu’ils préféraient un autre négociateur. Aussi fut-il remplacé par l’ignorant général de Valdan, et les résultats furent-ils ceux que l’on sait. On saisit maintenant la portée de ces mots dits, avec bonhomie, par Bismarck à Jules Favre : « La présence d’un officier n’est pas nécessaire. Je crois que nous pouvons tout faire à nous deux. »

Nous comprenons avec quelle douleur le général Clinchant, remplaçant Bourbaki, adressa à ses soldats cet ordre du jour que reçut M. de Freycinet : « Il y a peu d’heures encore, j’avais l’espoir, j’avais même la certitude de vous conserver à la Défense nationale. Notre passage jusqu’à Lyon était assuré à travers les montagnes du Jura. Une fatale erreur nous a fait une situation dont je ne veux pas vous laisser ignorer la gravité. Tandis que notre croyance en l’armistice, qui nous avait été notifié et confirmé par notre gouvernement, nous recommandait l’immobilité, les colonnes ennemies continuaient leur marche, s’emparant des défilés déjà entre nos mains et coupaient ainsi notre ligne de retraite. Il est trop tard aujourd’hui pour accomplir l’œuvre interrompue ; nous sommes entourés par des forces supérieures, mais je ne veux livrer à la Prusse ni un homme ni un canon. Nous irons demander à la neutralité suisse l’abri