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observeront-ils, que du régime du personnel enseignant, des rapports entre proviseurs et professeurs… » Admettons-le ; voudrait-on nous persuader qu’une telle anarchie pût être délimitée, qu’elle ne fût pas l’effet, le prolongement des hésitations d’un pouvoir changeant, indécis, ou agissant presque toujours dans des vues étrangères au bien propre de la chose dont il est amené à s’occuper ? Contestera-t-on qu’elle ait dû ensuite être la cause de l’embarras des familles et de l’ahurissement des élèves ? En tout cas, il n’y a qu’à regarder ce qui se fait et à écouter ce qui se dit à l’heure présente. Tout le monde se plaint. L’enseignement supérieur accuse l’enseignement secondaire de lui envoyer des élèves insuffisans. « Le mal, si mal il y a, est au lycée, — écrivait tout récemment le plus optimiste de tous ceux qui ont élevé la voix dans les controverses de l’année, — nous souffrons de la faiblesse d’étudians mal préparés auxquels nous sommes obligés d’enseigner les premiers élémens ou, chose pire encore, de faire désapprendre ce qu’ils ont appris au lycée[1]. » L’enseignement secondaire, à son tour, accuse l’enseignement’ supérieur de créer le mal en s’ouvrant indistinctement à tout venant, en faisant de l’ancienne Ecole normale (normale, songez à l’étymologie et au vrai sens de l’expression) une simple hôtellerie, assez mal tenue, affirme-t-on, en abaissant le niveau de ses examens et de ses concours, en imposant ainsi aux lycées des maîtres qui ne savent pas ce que c’est qu’un adolescent, en sacrifiant à des nouveautés curieuses et à une sorte de luxe d’érudition soumis lui-même aux caprices de la mode le fonds permanent et intransformable de la vie intellectuelle. Mais l’enseignement primaire, lui aussi, prend part à la lutte : « Vous ne faites pas à nos enfans la place qui leur a été promise et qui leur est due, » dit-il à l’enseignement secondaire. Celui-ci répond : « Nous en recevons déjà beaucoup trop ; car c’est pour nous forcer de nous ouvrir plus largement à vos recrues, séduites par des promesses trompeuses, qu’on a désorganisé toutes nos formations et tous nos cadres. »

Ainsi, de tous les côtés s’engagent des discussions passionnées. Des ligues se forment, indépendantes de toute action, soit de l’État, soit du personnel enseignant. Les pouvoirs publics ont à peu près tout fait, — et ils ne demandent pas mieux que de

  1. Revue hebdomadaire des 14 et 21 janvier 1911. Articles de M. F. Brunot, professeur à la Sorbonne et maire du XIVe arrondissement.