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feraient marcher toutes seules « les métiers de nos artisans. » Mais la machine n’a tant facilité certains travaux et satisfait à meilleur compte certains besoins que pour provoquer des besoins nouveaux et pour réclamer par conséquent des efforts nouveaux. Elle-même se modifie tous les jours et il faut qu’on s’ajuste à ses exigences réitérées. Sait-on bien si c’est elle qui est la servante de l’ouvrier, ou si ce n’est pas, au contraire, J’ouvrier qui est, non seulement son « servant, » mais son esclave ? De plus, l’intensité de la production qu’elle favorise crée des crises périodiques ; et en même temps, la suppression de ces localisations dont nous parlions a rendu les échanges universels : c’est, à beaucoup d’égards, un très grand bienfait, mais qu’il faut payer par les surprises d’une concurrence également universelle.

De tout ceci résulte que l’instruction du peuple doit être avant tout dirigée vers le travail productif. Sans doute, il faut qu’il puisse calculer, de manière à bien comprendre la valeur de ce qu’on lui offre et à aménager prudemment ses ressources : il faut qu’il sache assez de géographie et d’histoire élémentaires pour pouvoir se rendre compte ou se faire utilement rendre compte de certains mouvemens qui l’intéressent dans les grands faits politiques et commerciaux de son époque. Puis, enfin, il est homme : on nous permettra de dire qu’on n’a pas le droit de l’écarter violemment ou perfidement des consolations qui se mettent à sa portée, et auxquelles le cœur des enfans s’ouvre de lui-même. Ce dernier souci mis à part et réservé, si l’on veut, à la liberté des familles, tout l’enseignement que nous venons d’esquisser doit tendre à l’utilité pratique. Il doit avoir en vue de rendre l’exercice de la profession plus sûr, plus facile à perfectionner, plus fructueux par conséquent. Il le faut, parce que c’est là une nécessité qu’on ne brave point sans multiplier les déceptions individuelles et les désordres sociaux.

Mais qui dit utilité pratique dit aussi utilité bien déterminée, et d’une portée sinon immédiate, du moins aussi rapprochée que possible. Il est donc fort à désirer que l’enseignement donné à ceux qui ont besoin de vivre de leur travail soit, en général, préparé, facilité par les connaissances puisées dans le milieu où l’enfant est né et qu’elles le préparent à s’y assurer à son tour une place avantageuse. Qu’on lui apprenne à faire intelligemment ce qu’il aurait fait par imitation ou par routine, nul n’y