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« Les meilleurs de nos élèves ne savent pas écrire. Le mal ne date pas d’hier, mais il est aujourd’hui à l’état aigu. A la Faculté de droit, le professeur qui corrige une dissertation juridique doit d’abord être un professeur de français et apprendre à ses élèves les règles les plus élémentaires de style et de syntaxe. Que dis-je ? il doit même leur enseigner l’orthographe. » Voilà pour le Midi et pour le Nord. A Dijon, le doyen de la Faculté des lettres tient à signaler « l’espèce d’effroi » qui le saisit, lui et ses collègues, en présence des copies qu’ils ont à lire : « nulle composition, ignorance du sens des mots les plus simples, complet mépris de l’orthographe, des accens et de la ponctuation, emploi du jargon des journaux de sport et de crimes, tels sont les défauts ordinaires. » Dans les langues vivantes, « 80 pour 100 des copies offrent un bizarre assemblage de solécismes, de gallicismes, de naïvetés et de sottises. » Aussi le recteur lui-même conclut-il de ces rapports et de son expérience personnelle : « Le mal est évident, il gagne de proche en proche. Pour l’enseignement supérieur qui recrute ses étudians parmi les bacheliers de nos lycées et de nos collèges, comme aussi pour l’enseignement secondaire qui recrute ses professeurs parmi les étudians de nos facultés, il est grandement désirable qu’on y porte, si possible, un prompt remède. »


Va-t-on donc remettre encore une fois en chantier tous les programmes ? Va-t-on dépecer une fois de plus l’histoire, la géographie, la littérature, les sciences, puis déplacer tel ou tel enseignement, reporter celui-ci dans une classe, celui-là dans une autre ? Va-t-on, sous prétexte de simplification, supprimer certaines « matières » qu’on ne manquera pas d’ailleurs de remplacer par de nouvelles ? Tout cela serait lâcher la proie pour l’ombre. Tout cela serait oublier que le mal n’est pas dans tels ou tels paragraphes d’une paperasserie ministérielle ; il est plus profond, il s’est sans doute insinué dans les détails compliqués d’une organisation à bien des égards artificielle ; mais il a surtout sa source dans la dispersion, dans l’évanouissement, dans l’extinction à peu près complète de ce qui devrait en être l’âme vivifiante, à savoir, le professeur maître d’une classe, de sa classe.

Quels sont les faux calculs, quelles sont les inextricables difficultés qu’a amenés cette suppression ? Qu’est-ce que le