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traité du Bardo ? Si le traité n’est pas parfait dans ses dispositions I immédiates, il est perfectible dans ses conséquences prochaines. M. le président du Conseil en a fait devant le Sénat la démonstration lumineuse, sans aucune recherche oratoire, dans le langage simple et précis qui convient aux grandes affaires, et il s’est montré optimiste pour l’avenir. Il ne se dissimule pas, bien entendu, que le traité ne vaudra pas par lui-même ; il vaudra par les hommes qui l’appliqueront ; il vaudra aussi, a-t-il dit, ce que vaudront les relations de la France et de l’Allemagne. M. Clemenceau, dans un discours animé d’une verve mordante, mais qui s’est attardé plus d’une fois dans de longues digressions, a exprimé une pensée analogue : la différence est que M. Poincaré a tenu le langage le plus propre à maintenir, en effet, entre les deux pays l’entente si difficilement établie et que M. Clemenceau, sur lequel ne pèse pas la responsabilité du pouvoir, ne s’est pas embarrassé de ces préoccupations. Nous l’aimons mieux lorsqu’il nous a recommandé de rester d’accord avec l’Italie et l’Espagne. Cette politique de bonne entente n’est pas seulement conforme à nos sentimens, elle l’est aussi à nos intérêts.

Et maintenant que la discussion du Sénat a eu la conclusion qu’elle devait avoir, le vote du traité, interrogerons-nous l’avenir avec M. Ribot, pour lui demander ce qu’il pensera de notre politique ? Dans dix-huit ans, nous célébrerons le centenaire du jour où une troupe française a débarqué à Sidi-Ferruch, sur la côte africaine, ouvrant ainsi toute une phase glorieuse de notre histoire et nous engageant dans des destinées dont il était bien difficile alors d’apercevoir la suite, les développemens successifs et le terme final. Ce terme, d’ailleurs, échappe encore à nos yeux. On a adressé dès ce premier moment à notre politique algérienne les mêmes critiques qu’on adresse aujourd’hui à notre entreprise marocaine et que nous lui avons adressées nous-même. Ces critiques, qui se présentaient à de bons esprits, étaient justes, au moins en partie. La conquête de l’Algérie nous a coûté très cher, et, en immobilisant sur un point de l’Afrique une partie de nos forces militaires, elle a condamné le gouvernement de Juillet à la politique un peu effacée dans le reste du monde qu’on lui a quelquefois reprochée. Il a pu conserver la paix : espérons qu’il en sera de même pour nous, au moment où nous nous engageons dans une affaire de longue haleine qui absorbera une partie de notre attention, de nos ressources et de nos forces. Nous aurons un intérêt plus grand que jamais à la conservation de la paix européenne. Notre œuvre pèsera sur la génération actuelle ;