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FRANCE ET ALLEMAGNE

I
1870-1898

C’est une loi générale que la politique extérieure des grands États est déterminée par un ensemble de conditions, les unes immuables, les autres changeantes, qui limitent l’amplitude des oscillations qui lui sont permises. À plus forte raison en est-il ainsi pour une nation qui a subi la dure loi d’un vainqueur et dont le territoire a été mutilé. Pour la France, la guerre de 1870 et le traité de Francfort ont rendu singulièrement plus étroites ces « nécessités permanentes » dont parlait Albert Sorel. Nous voudrions montrer ici, par des faits, quelles sont, dans les rapports de la France avec l’Allemagne, ces « nécessités permanentes, » comment notre politique, depuis 1870 jusqu’à ces derniers jours, a pu se mouvoir dans les limites qu’elles lui imposent, comment elle a réussi à les élargir et comment, chaque fois qu’elle a essayé d’en sortir, elle a été arrêtée par la force même des choses et la logique des situations.

Dans son discours au Reichstag, le 5 décembre, M. de Bethmann-Hollweg, chancelier de l’Empire allemand, disait : « Je ne veux pas revenir sur le passé plus qu’il ne convient de le faire pour comprendre l’avenir. » À nous aussi ces paroles serviront de règle. Mais, pour orienter vers l’avenir la marche de la politique française, une connaissance exacte, une juste appréciation du passé n’est-elle pas une boussole indispensable ? L’étude du passé est un avertissement ; elle peut servir, de part et d’autre, à prévenir le retour de certaines erreurs, de certains