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dérober. M. Hanotaux recueillit ensuite l’adhésion de la Russie et de la Suisse, puis, saisissant le moment où l’Allemagne, préoccupée des affaires d’Orient, pourrait être disposée à nous faire une concession opportune, il obtint sa signature. La Belgique, l’Espagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Norvège suivirent. L’Angleterre restait seule ; il fallut la menacer, si elle ne cédait pas, d’annexer immédiatement la Tunisie. Moyennant que, jusqu’au 1er janvier 1912, ses cotonnades ne seraient pas frappées, dans la Régence, de droits supérieurs à 5 p. 100 de leur valeur, elle reconnut le nouvel état de choses (19 septembre 1897). La « seconde conquête de la Tunisie » était achevée. Déjà, en 1895, quand il s’était agi de la conquête de Madagascar, M. Hanotaux avait obtenu d’abord le désistement des Etats-Unis, puis il avait demandé celui de la Russie, pour continuer par celui de l’Allemagne et finir par celui de l’Angleterre.

Cette méthode porte ses meilleurs fruits pendant les quatre années où M. Hanotaux (sauf pendant les six mois du Cabinet Bourgeois-Berthelot, 1er octobre 1894-19 avril 1895) est ministre des Affaires étrangères. En quatre années, quatorze conventions achèvent de nous donner un empire en Afrique, Madagascar et la moitié de l’Indo-Chine. Des résultats encore plus féconds sont préparés. La « paix latine » est faite dans la Méditerranée par le rapprochement économique avec l’Italie[1], par les bons offices prêtés à l’Espagne pendant la guerre contre les États-Unis. Avec l’Angleterre un seul litige grave reste à régler, la question du Nil. On espère en trouver la solution par les mêmes méthodes. La rivalité anglo-allemande s’accentue de plus en plus ; la fameuse dépêche de Guillaume II à Krüger, le 3 janvier 1896, en a été comme le clairon annonciateur ; mais les relations entre le gouvernement de la reine Victoria et celui de son petit-fils restent très bonnes. A plusieurs reprises, des ententes partielles sont ébauchées entre l’Allemagne et la France. Dans la Méditerranée orientale, l’Allemagne a, comme nous et comme la Russie, pour programme, l’intégrité de l’Empire ottoman, l’autonomie de l’Egypte, la liberté du canal de Suez et de la Mer-Rouge. Cette concordance d’intérêts pourrait se traduire, le cas échéant, par une action commune ou

  1. Traité de commerce de 1898 négocié par M. Hanotaux, signé par M. Delcassé. Cf. la Paix latine, par M. G. Hanotaux, 1 vol. in-16 ; Combet.