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des métiers de mer. Il y a pourtant certaines clartés évidentes. Dans le statut économique de nos inscrits, tout n’est pas solidaire de l’organisation corporative à monopole. On peut mettre fin à cette dernière sans abandonner les garanties que tous les métiers réclament aujourd’hui.

Les retraites ouvrières, par exemple, se généralisent ; rien n’empêche de les appliquer aux marins. Ce n’est pas non plus au moment où le législateur intervient pour délimiter partout la durée du travail qu’il y aurait lieu de soustraire la marine à une intervention sur ce point : la loi de 1907 a pu commettre des erreurs, elles sont indépendantes de la question de l’Inscription maritime. Les industries de mer, les plus compliquées de toutes, doivent être minutieusement réglementées. Les Allemands, qui ne possèdent pas notre régime d’inscription maritime, ont eu à décréter un certain nombre d’obligations légales analogues. Leur loi sur les gens de mer du 2 juin 1902 peut être donnée en modèle. Elle détermine les conditions des engagemens au commerce, les droits et obligations réciproques des armateurs, capitaines et marins, ainsi que la discipline des équipages. Il a fallu pour cela organiser des bureaux des gens de mer, qui jouent le rôle de nos bureaux de l’Inscription maritime et de nos tribunaux maritimes. La loi allemande réglemente aussi la nourriture et le logement des équipages, leur traitement à l’hôpital en cas de maladie, le rapatriement des marins débarqués, etc.

Mais elle ne limite pas le recrutement : et si elle punit comme chez nous avec sévérité la désertion en mer, à l’étranger et dans certaines conditions, elle respecte davantage, dans divers autres cas, constituant de moindres délits, la liberté de l’homme.

Ici se pose la question du droit de grève. On n’a jamais songé chez nous-mêmes à empêcher les inscrits de se « retirer sous leur tente » en refusant de prendre engagement à bord. Une fois engagés et au port d’armement, il semblerait naturel de leur permettre de déclarer la grève à la condition d’en donner avis préalable. Il est difficile d’aller plus loin. À terre, les ouvriers d’industrie sont engagés pour une période indéterminée ; les marins le sont en général pour un voyage. Ils se trouvent donc à même à chaque retour, — ils s’y trouveraient du moins, — de discuter les prix avec l’armateur. Quanta les y autoriser en cours de route, bien évidemment ce serait compromettre