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donc quand il apprendrait les tristes résultats de l’expédition de Rome ? Le baron de Thugut, premier ministre impérial, ne s’étant jamais montré favorable aux souverains de Naples, quoique, au dire de la reine Marie-Caroline, la mère de celle-ci, l’impératrice Marie-Thérèse, eût été sa bienfaitrice, ne pouvait-on craindre qu’il ne trouvât dans les circonstances actuelles l’occasion de donner libre cours à la malveillance qu’à plusieurs reprises il avait manifestée ? Ces difficultés, le marquis de Gallo les prévoyait. Mais elles ne le décourageaient pas et, malgré tout, il ne désespérait pas du succès de sa mission.

Ambassadeur des Deux-Siciles à Vienne pendant plusieurs années et jusqu’au jour où son maître l’avait rappelé à Naples pour lui confier le ministère des Affaires étrangères, Mastrilli, marquis puis duc de Gallo, connaissait à fond la cour impériale. Il y était en faveur depuis surtout qu’il avait traité pour elle avec le général Bonaparte et pris une part heureuse aux négociations qui avaient abouti au traité de Campo-Formio. Dès ce jour, il avait joui de l’entière confiance de l’empereur François. D’autre part, il possédait celle de la jeune impératrice. Elle n’oubliait pas qu’il avait été l’habile négociateur de son mariage avec l’archiduc et qu’elle lui devait d’être assise sur le plus beau trône du monde.

Au surplus, n’eût-il pas eu ces raisons pour accepter la mission dont il s’était chargé, il n’aurait osé se dérober aux supplications de la reine Marie-Caroline. Dans l’affolement où la jetaient les périls qui se dressaient de toutes parts autour de la dynastie napolitaine, elle avait fait un poignant et pressant appel à son dévouement et à son cœur, invoqué les souvenirs du passé, rappelé les services déjà rendus par lui à la maison de Naples et, au nom de ces services même, imploré son assistance en faveur de la famille royale et de l’Etat.

Alors âgé de quarante-six ans, Gallo n’était pas assez vieux pour pratiquer l’égoïsme et pour fermer l’oreille aux prières d’une femme, d’une reine qu’il servait depuis si longtemps. Sans se dissimuler les difficultés de la tâche dont elle le suppliait de se charger, il l’avait assumée, et maintenant, il s’en allait à Vienne confiant dans son étoile, puisant, dans le souvenir de ses succès de carrière, l’espérance de sauver son pays et la maison de Bourbon.

Le lendemain, dans la soirée, il était à Manfredonia. Il