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de lire et l’accent d’honnête homme avec lequel Galle les fit entendre à l’empereur de Russie pour le laver des accusations dont il était l’objet et pour imposer la conviction qu’il ne les méritait pas. Mais la scène fut des plus vives. Il disait plus tard que la lettre de désaveu avait failli le faire chasser ignominieusement de la cour moscovite. Le chevalier de Bray constate dans un de ses rapports « que M. de Gallo, d’abord fort bien accueilli parce qu’il venait au nom d’un prince malheureux, a fini par être maltraité. » C’en était fait de son crédit à la cour de Russie. Paul Ier, tout en l’assurant de la continuation de sa bienveillance, lui déclara qu’il ne pouvait plus voir en lui le représentant du roi de Naples, ce qui équivalait à lui donner congé et en même temps à une rupture de la négociation, d’autant plus condamnée maintenant à n’être pas reprise que les revers de l’armée russe, en Suisse, avaient décidé l’Empereur à rappeler ses troupes. Gallo n’avait donc qu’à partir.

Il s’y prépara après avoir remis ses pouvoirs au duc de Serra-Capriola. Il se sentait « vieux et souffrant. « Il avouait à la Reine sa fatigue, son dégoût des affaires ; il demandait qu’on lui accordât une retraite honorable à laquelle lui donnaient droit ses services, le zèle et la fidélité dont, depuis vingt-six ans, il donnait d’incessantes preuves. Pour ajouter à son écœurement, il reçut une lettre de la souveraine qui, tout en lui parlant avec la confiance familière dont elle avait l’habitude d’user envers lui, semblait le soupçonner d’avoir manqué de loyauté.

« Vous êtes allé à Pétersbourg. Certes, d’apparence, vos propositions sont en notre faveur ; mais, si elles vous eussent été signées pour nous compromettre ! J’éloigne cette pensée de mon esprit. » Et plus loin : « Je connais votre cœur et vos principes et il m’est impossible de croire, comme de plusieurs côtés on nous l’écrit, que vous seriez un agent de Thugut avec la veste et l’habit à nous, mais au fond à eux. Je vous suis trop attachée, vous estime trop et me sens trop de réelle amitié pour vous pour le croire et j’aime mieux croire que les gueux vous jouent le premier. »

Après l’avoir ainsi torturé par ces perfides insinuations et alors qu’elle était le principal auteur du traitement injuste qu’il venait de subir, elle poussait le besoin de dissimuler sa main jusqu’à lui demander, à titre de service, de s’occuper