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est telle que l’on ne fait aucun effort pour discuter, et renouveler, s’il y a lieu, les anciennes doctrines. Pour tout ce qui concerne l’époque que nous étudions, on continue prudemment à répéter les idées consacrées et à dédaigner un art sur lequel on croit avoir tout dit lorsqu’on l’a flétri du mot de « baroque[1]. »

Aujourd’hui pour traiter la question qui nous occupe, pour savoir ce que l’on reproche à l’art du XVIIe siècle, ce sont les écrivains de l’école néo-classique qu’il faut interroger ; leurs livres fourniront tous les argumens dont on se sert pour le condamner. Dans cette discussion, un homme a tenu une place tout à fait prépondérante, Milizia, que Quatremère de Quincy lui-même ne fit pour ainsi dire que copier dans l’Encyclopédie, et ce sont les arrêts de ce critique italien du XVIIIe siècle que l’on ne cesse encore de répéter de nos jours.

La question que nous allons discuter est une des plus graves qui restent encore à résoudre dans le domaine de l’histoire de l’art. Il nous faut ici prendre un parti sur des questions fondamentales de l’esthétique, et savoir si c’est au nom d’une doctrine vraie ou fausse que les néo-classiques ont condamné le XVIIe siècle.

Le néo-classicisme a pris comme point de départ cette doctrine de la nature qui était à ce moment le fond même des écrits de la plupart des philosophes et en particulier de ceux de J.-J. Rousseau ; mais cette doctrine, à vrai dire, n’était pas une grande nouveauté dans l’art, toutes les écoles artistiques n’ayant jamais cessé de se réclamer de la nature. La nouveauté fut dans la façon dont on crut la comprendre. Pour Rousseau et pour les néo-classiques dont il est le véritable chef, le grand mot que prononce la nature est celui de simplicité. Par une réaction, que l’on comprend fort bien, contre les excès et les vices du XVIIIe siècle, on pose comme principe essentiel qu’il faut avant tout, dans les arts comme dans la société, proscrire un luxe corrupteur et revenir aux lois véritables de la nature. L’art doit être simple, disent les néo-classiques, car la nature veut avant tout la simplicité : plus on s’éloigne de la simplicité, plus on s’éloigne de la beauté. Mais, si ce principe a sa valeur, on peut se demander de quel droit on lui donne un caractère si absolu.

  1. Ce mot si fâcheux, je l’éviterai autant que possible dans cette discussion, ne le conservant parfois qu’en raison de sa brièveté.