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des raisons de pure beauté, telles par exemple que les idées de symétrie et de proportion.

Si l’on voulait d’ailleurs pousser le principe de la construction à ses plus extrêmes conséquences, on limiterait l’architecture à ses élémens rudimentaires, et ce serait proprement la détruire. Aussi ne l’a-t-on jamais appliqué avec une telle rigueur, et il n’est aucune école qui ne fasse une large part à ce que l’on considère comme la seconde partie de l’architecture, je veux dire la partie décorative. Mais ici encore la doctrine constructive intervient, en posant comme principe que la décoration doit être absolument subordonnée aux formes de la construction, que son rôle est d’en accuser les traits essentiels. On peut encore discuter cette théorie, et penser que ce n’est pas là une loi nécessaire. Par exemple, ne faut-il pas louer l’architecte lorsque, par son décor, au lieu d’accentuer inutilement l’apparence des supports, il cherche à les dissimuler ? Est-il possible dans l’architecture gothique de comprendre comment les voûtes peuvent se tenir dans les airs, lorsqu’on ne voit pas les forces extérieures qui les soutiennent ? et ce qui apparaît d’irréel dans cette architecture, loin d’être un défaut, n’en est-il pas une des plus grandes beautés ? Pour prendre un exemple plus prosaïque, est-il vrai que dans nos demeures nous tenions à accentuer l’aspect de ces murs qui nous enferment comme dans une prison ? Ne faisons-nous pas au contraire tous nos efforts pour les dissimuler par des glaces, des tableaux, des fresques ou des tapisseries ?

Je ne veux pas insister ; je me contente d’indiquer cette idée que la doctrine de l’exclusive prépondérance de la loi constructive est fort discutable. Elle est pourtant si ancrée dans les esprits et si universellement admise, semble-t-il, que lorsque les romantiques voulurent remettre en honneur notre art national du moyen âge et toutes les splendeurs du gothique, décrié alors à l’égal de l’art du XVIIe siècle, ils n’osèrent pas porter la discussion sur son vrai terrain et dire que les plus grandes beautés du gothique lui venaient précisément de ce qu’il avait fait en dehors de la logique constructive, en vue de recherches spiritualistes. C’est au nom des principes mêmes de l’école néo-classique que Viollet-le-Duc mena sa campagne, et s’il lui fut facile de prouver, au point de vue constructif, la valeur de cet art qui égale et surpasse par sa science l’œuvre des maîtres