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disposés portes, fenêtres, niches, médaillons, sans qu’il y ait le moindre repos, le moindre vide sur les murailles. La plus grande singularité est dans la courbe de la façade qui est convexe en son milieu, et concave sur les bords. A vrai dire, je ne saurais louer cette façade, et je comprends fort bien que l’on trouve ici des argumens pour attaquer Borromini qui prête le flanc à la critique par trop de détails et de formes capricieuses, notamment par ce motif d’un tableau employé pour la partie terminale de sa façade. Il ne faut pas cependant méconnaître la très profonde originalité de cette œuvre, et si l’on songe combien il est difficile en architecture de trouver quelque chose de nouveau, on s’intéressera aux efforts, même infructueux, qui furent tentés par les grands architectes, surtout lorsqu’il s’est agi de résoudre le difficile problème de faire avec des formes antiques une façade d’église.


Nous avons parlé longuement de Borromini, car nul architecte au XVIIe siècle n’a fait des œuvres dont l’intérêt égale les siennes. Nous parlerons plus brièvement de ses contemporains dont les plus illustres furent Pierre de Cortone et Carlo Rainaldi.

Pierre de Cortone, ami et élève du Bernin, ressemble beaucoup plus à ce maître qu’à Borromini. C’est un classique à côté de Borromini le révolutionnaire. Pierre de Cortone, le merveilleux peintre de la femme et de l’enfance, a fait comme le Bernin une architecture toute de joie et de délicatesse, moins puissante peut-être que la sienne, mais plus gracieuse encore. SS. Luca e Martino, l’église de la Confrérie des peintres à Rome, fut son œuvre favorite ; c’est lui qui la commence, qui y travaille toute sa vie et qui à sa mort lègue toute sa fortune pour qu’on la termine. Malheureusement, l’œuvre est restée incomplète : et il n’est pas douteux que lui, le raffiné décorateur, ne l’ait conçue pour être plus ornée que nous ne la voyons. La crypte, qui fut la première partie construite par lui et qu’il décora brillamment, suffirait à nous en donner la preuve. Cette église en forme de croix grecque, avec des colonnes en saillie qui se raccordent aux murs par des pilastres, est dans ses élémens architecturaux une œuvre de style classique et comme une suite de l’art de Palladio, une reprise de San Giorgio Maggiore et du Redentore, de Venise.