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sont les Écossais et les Gallois ; leur énergie est restée inflexible. Les patrons gallois, en particulier, s’appuient sur un arrangement qu’ils ont fait avec leurs ouvriers et qui ne vient à échéance qu’en 1915 : jusqu’à ce moment, ils se refusent à toute transaction. Pousseront-ils leur résistance jusqu’au bout ? La pression gouvernementale ne finira-t-elle pas par l’emporter, même sur eux ? Nous ne saurions le dire, et personne sans doute ne le saurait plus que nous.

Un point, dans l’attitude du gouvernement anglais, a surtout attiré l’attention et fait naître beaucoup d’inquiétudes. Si M. Asquith ne l’a pas dit positivement, il a fait entendre clairement que, dans le cas où les patrons ne céderaient pas, il présenterait un bill au Parlement pour établir par cette voie et imposer à tous le minimum de salaires. Certes, ce ne serait pas de gaieté de cœur qu’il prendrait une résolution aussi grave, car il ne se fait aucune illusion sur les inconvéniens redoutables qu’elle présenterait ; il s’y résoudrait cependant s’il n’avait pas un autre moyen de sortir de peine. Cette menace, de la part du gouvernement actuel, devait être prise très au sérieux, car il a déjà montré ce dont il est capable en pareille matière. Le fait est d’hier, il suffit de le rappeler. La Chambre des Lords refusant de se laisser guillotiner par persuasion, M. Asquith a déclaré qu’il imposerait au Roi, qui s’y soumettrait, l’obligation de noyer sa résistance sous un flot de quatre ou cinq cents Lords nouveaux qui changeraient la majorité et la feraient passer d’un côté à l’autre. Les Lords se sont inclinés. Après avoir forcé la main aux Lords, pourquoi M. Asquith ne la forcerait-il pas aux patrons ? Ce serait sans doute une violation de la propriété, d’autant plus grave qu’en Angleterre les propriétaires de mines sont des propriétaires dans toute l’acception du mot, et non pas des concessionnaires auxquels on peut faire des conditions comme en France. Ils sont aussi beaucoup plus nombreux que ces derniers ne le sont chez nous. Mais si ces considérations peuvent troubler un moment la conscience du ministère radical anglais, elles ne sont pas de nature à l’arrêter. De tels procédés font apparaître un mal plus profond que celui d’une grève, quelque gigantesque qu’elle soit, car il est dans le gouvernement lui-même et, quand le gouvernement menace le droit d’une partie des citoyens au lieu de le garantir, où sera le frein pour l’avenir ? Mais M. Asquith a-t-il positivement fait cette menace ? Il faut bien le croire, puisqu’il a reproché aux ouvriers d’en avoir rendu l’exécution difficile. Rapportant à la Chambre des communes ses conversations avec eux ainsi que les argumens par lesquels il a, d’ailleurs sans succès,