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— asiles de prière, d’enseignement ou de charité, — avaient été renversés, puis balayés par la tourmente, et que 1 181 religieux, 2 778 religieuses, avaient dû se séculariser ou s’exiler, et déserter ainsi, soit leur vocation, soit leur patrie : on voyait à vue d’œil s’appauvrir et se vider, en Prusse, les cadres traditionnellement organisés pour le service de Dieu, et pour le service des serviteurs de Dieu.

Mais ces innombrables âmes que le Culturkampf privait de secours et d’abri se refusaient à chercher asile, soit dans le protestantisme, soit dans les groupemens qui, sous les auspices de l’État, avaient essayé de s’ériger en face de « l’ultramontanisme. » La Prusse du Culturkampf faisait œuvre de démolition, mais elle était impuissante à remplacer ce qu’elle démolissait.

Les vieux-catholiques, petite Eglise de laïques mécontens, avaient achevé de se diminuer, aux yeux mêmes d’un anti-infaillibiliste comme Doellinger, en déchargeant leurs prêtres de l’obligation du célibat ; le savant exégète Reusch, scandalisé, avait douloureusement abandonné les fonctions sacerdotales qu’il occupait près de l’évêque Reinkens. Ce bon savant un peu naïf jugeait qu’on devait se révolter contre Rome au nom de la science, non pas au nom de la chair, et que le synode vieux-catholique de 1879, proposant aux prêtres romains l’appât du mariage, s’était montré trop complaisant pour toutes les causes de révolte. Tant de complaisances, du moins, achetaient-elles des conquêtes ? Nullement : les conquêtes mêmes qu’on croyait assurées périclitaient : les paysans de Mering, — de ce village bavarois que l’on célébrait naguère comme le berceau de la réforme nouvelle, comme le point d’attache du vieux-catholicisme parmi les masses rurales, — laissaient partir en 1878 le curé vieux-catholique Renftle, et rentraient dans le bercail d’un prêtre ultramontain ; et quant aux classes cultivées, le vieux-catholique Huber se plaignait que du haut de leur morgue intellectuelle, qui ne daignait s’intéresser qu’à Darwin, elles regardassent le vieux-catholicisme avec un demi-sourire. « Bismarck, écrivait une revue luthérienne, croyait utiliser les vieux-catholiques contre Rome ; il a trouvé que le couteau ne coupe pas, il le jette au vieux fer. » Et les vieux-catholiques, sentant l’abandon progressif des gouvernemens, gémissaient amèrement.

Il ne restait donc que l’Église romaine, que l’Église dite