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de René, au cours d’ensemble de Valentine, quand ce n’est pas à leur tennis ou à leur patinage. Et la famille moderne donne ce curieux exemple d’une paresse éducatrice écœurante, jointe à une abdication volontaire de toute autorité… Comment s’étonner, dès lors, que la nouvelle couvée manque de respect pour ses ascendans ?

« Mais voici qui est bien moderne : à l’égard des grandes personnes qui ne leur sont rien hiérarchiquement, nos jeunes « âge ingrat » marquent, non seulement de l’irrespect, mais un dédain non déguisé… Je n’ai pas attendu, pour m’en convaincre, de déjeuner chez Mme Demonville, d’y observer Blanche, Madeleine, Sam, Noël, May, Cécile…

« Qu’est-ce qui a bien pu provoquer, chez la nouvelle couvée, ce dédain pour les parens ?

« Nous-mêmes, je crois.

« Nous avons tellement dit, écrit, proclamé qu’on nous avait donné, à nous, une éducation absurde ; nous avons tellement vanté les changemens survenus depuis (quelques-uns fort discutables), que nos enfans se sont accoutumés a nous considérer comme dut considérer ses parens la première génération de moujicks née après l’émancipation des serfs. Nos enfans se croient d’autre sorte que nous. Ils ont un mot à la bouche pour humilier leurs parens : sports ! Avec l’esprit simpliste de leur âge, la supériorité sportive qu’ils ont sur leurs parens suffit à les convaincre qu’ils leur sont intégralement supérieurs. « Papa ne monte pas à cheval ; maman ne joue pas au golf et ne patine pas à roulettes : donc papa et maman sont deux… » (ici une comparaison empruntée au régime des mollusques). La béate admiration des nigauds de parens pour les sports de leurs enfans achève de griser ceux-ci. Je n’ai obtenu un peu d’attention respectueuse de Noël Laterrade que du jour où je l’ai sévèrement boutonné à l’épée. Depuis, il professe, pour mon esprit, une certaine estime. »


On ne fait pas marcher le temps à rebours, ma chère nièce, et il serait aussi vain d’espérer qu’on restaurera entre parens et enfans les disciplines de Mme de Genlis que de mener nos recrues modernes par le régime des reîtres d’autrefois. Il faut prendre comme un fait le toupet de la nouvelle couvée, son absence de sens respectueux et compter avec tout cela…