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que les livres d’histoire, de géographie, de grammaire, d’arithmétique, soient autant de compagnons permanens de l’enfant, qui grandissent avec lui. Le puer unius libri perdra dix fois moins de temps que le malheureux ballotté chaque année d’un bouquin à l’autre… »

En même temps que s’élargissait ainsi le champ de leur culture intellectuelle, la culture morale s’amplifiait, s’approfondissait aussi. Durant « l’enfance de l’enfance, » toute la morale de Pierre et de Simone s’était résumée à obéir et à ne pas mentir. Maintenant, leur personnalité se forme peu à peu ; ils connaissent la responsabilité, réduite pour eux à la loi du « Tout se paye. » Leur sensibilité n’est plus seulement celle de petits chats égoïstes ; nous leur apprenons à ressentir, à vouloir ; nous développons leurs goûts naissans pour les jolies choses, les penchans qu’ils laissent deviner pour les arts… Et de même qu’en tâchant de leur faire, par un exercice physique sans surmenage, des corps robustes et agiles, nous n’avons jamais négligé l’élégance de l’allure, — nous tâchons aussi de donner une certaine élégance à leur jeune esprit et de l’accent à leur jeune sensibilité.

Avons-nous réussi ? L’avenir le montrera. Ce qu’on ne peut nous refuser, c’est que Pierre et Simone sont bien portans, disciplinés, comprennent parfaitement ce qu’ils déclarent comprendre et savent réellement le peu qu’ils savent. Ils ont plus de sang-froid que la plupart des enfans, parce qu’on a éduqué leur sang-froid. Ils ont le goût de travailler. Ils ne se croient pas supérieurs à leurs parens et à leurs maîtres. Ils ont chacun les défauts de sa nature, mais ils ont une qualité commune : ce que j’appelle le snobisme de la franchise. Mentir leur ferait horreur autant que voler.


Lorsque je pénétrai dans la salle d’études, Mme Galtié donnait une leçon d’histoire. La leçon orale, — c’est-à-dire la période pendant laquelle les enfans doivent écouter, fixer leur attention sur la parole enseignante, — nous avons voulu, vous le savez, qu’elle n’excédât jamais de beaucoup un quart d’heure… Un autre quart d’heure est consacré par l’institutrice à s’assurer, par voie de questions, que les nouvelles choses enseignées ont été bien comprises : après quoi, on revoit ce qui a été appris de la même façon, les jours précédens. Un de nos principes est