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la Douane de Strasbourg notamment, très bien informée par ses agens sur la frontière, lui annonçait qu’il allait avoir sur les bras plus de 100 000 hommes. Mais personne n’avait pu ébranler son idée fixe qu’il n’y avait derrière Wœrth qu’un corps relativement faible, rideau jeté en avant pour faciliter la manœuvre du gros de l’armée allemande. Persuadé qu’il n’avait devant lui que 30 ou 40 000 hommes, qu’aucune attaque n’était à redouter le 6 août, et qu’il pouvait se préparer sans crainte, en attendant Failly, à attaquer l’ennemi le 7, le maréchal fait communiquer aux troupes l’ordre donné la veille au soir pour la journée : « Repos, double distribution de pain, viande, sucre et café, nettoyage des armes. » Cet ordre de repos fut accueilli avec d’autant plus de satisfaction que pendant toute la nuit était tombée une pluie torrentielle et que les troupes avaient bivouaqué sans être autorisées à déployer leurs tentes.

De son côté, le Prince royal, chef de la IIIe armée allemande, sachant que nous étions sur les coteaux de Wœrth, avait disposé son armée en face de nous : à gauche, le XIe corps commandé par Bose ; au centre, le Ve sous les ordres de Kirchbach ; à droite, la division bavaroise Hartmann ; en seconde ligne, à des distances plus ou moins éloignées, la division bavaroise Tann, la division wurtembergeoise Walther et la division de cavalerie du prince Albrecht. Le premier soin de Bose avait été de s’établir à Gunstett qu’il avait trouvé évacué par nous. Quoique son armée n’eût été engagée que partiellement à Wissembourg, il avait décidé, comme Mac Mahon, que le 6 août serait un jour de repos et qu’il n’attaquerait que le 7.


II

Ce que Mac Mahon ne voyait pas, Ducrot et Raoult l’apercevaient distinctement. Raoult, esprit réfléchi et observateur, devinait qu’on avait devant soi des masses considérables. Sa division étant en avant, il lui parut téméraire de demeurer davantage sur une position, sûre pour 60 000 hommes, très risquée pour 40 000. Il communiqua ses appréhensions à Ducrot, et tous deux furent d’accord qu’il fallait rétrograder vers Lemberg, où l’on pourrait défendre les défilés des Vosges et donner la main à l’armée de l’Empereur.

A cinq heures et demie du matin, le 6 août, le comte de