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dans ce genre, écrit des pages bien subtilement ingénieuses, presque profondes, et toujours charmantes : les Amoureux de la Princesse Mimi, Charité, Saint Jean et la Duchesse Anne, le Petit Racine. Avouerai-je qu’il en est d’autres, Myrrha, Sérénus, dont l’inspiration, d’ailleurs médiocrement originale, me désoblige un peu ? Non que je méconnaisse le charme quelque peu pervers qui s’en dégage. Mais Myrrha, l’histoire de cette « vierge et martyre, » qui est vaguement amoureuse de l’empereur Néron, me rappelle trop certains passages de l’Antéchrist dont la sensualité raffinée et malsaine est peut-être plus déplaisante que les franches impudeurs d’un Maupassant ou d’un Zola. Et quant à Sérénus, l’histoire ironique de ce martyr dilettante et incrédule qui meurt en païen, et dont les reliques font néanmoins de surprenans miracles, je ne m’étonne point qu’elle ait ravi M. Anatole Franco, mais j’ai peine à concevoir le malin plaisir que M. Jules Lemaitre a pu prendre à l’écrire. Je comprends fort bien, et j’admets, tout en le réprouvant, l’anticléricalisme ; j’aime mieux d’ailleurs celui de Lucrèce que celui de M. Homais. Mais cette plaisanterie de haut goût qui consiste à parler des choses de la religion sur un ton de sympathie émue et en même temps à les tourner en dérision ; cet air de supériorité dédaigneuse qu’on affecte à l’égard de croyances qui ont soutenu, qui soutiennent encore faut de nobles âmes, et que l’on bafoue, tout en paraissant les comprendre et presque les respecter, — oh ! que cet exercice me paraît peu digne d’une âme bien née ! Il fallait laisser tout ce « renanisme » d’emprunt à d’autres. Ce ne serait pas la peine de tenir une plume, si on l’employait à scandaliser les simples.

Il faut dire à l’éloge de M. Jules Lemaître qu’il ne s’est pas trop longtemps attardé dans cette voie dangereuse : son atticisme a dû l’avertir qu’il faisait fausse route. Et il a, — dirai-je inventé ? — un genre de contes assez nouveau où il a peu à peu trouvé l’emploi de tous ses dons de penseur, de lettré et d’artiste. C’est celui qu’il a lui-même baptisé En marge des vieux livres, et dont relèvent, avec ses deux derniers recueils, plusieurs récits antérieurs, Nausicaa, Briséis, Amitié, Lilith. On sait en quoi il consiste. Prendre dans un « vieux livre » consacré par l’admiration des siècles un épisode, une figure, un trait secondaires, mais suggestifs : travailler sur cette brève donnée