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LE COMPAGNON


Le Dieu léger que chante encor ma voix naïve
Pas à pas m’accompagne et se montre et s’esquive
Subitement alors que je le veux saisir,
Sans avoir apaisé l’ardeur de mon désir.
Insidieux il rampe et sournois il se glisse,
Subtil au point qu’il peut tenir dans un calice
Ou dans le creux d’un tronc rustique se loger.
Et souvent, quand je crois prendre le Dieu léger
Dont une flèche aiguë à chaque instant me blesse
Et qui marie en lui la grâce à la souplesse,
Il s’échappe, de plus en plus leste et moqueur,
Puis montre d’un doigt vif, en m’emportant le cœur,.
Car il sait qu’à courir ma force diminue,
Les flocons argentés de ma barbe chenue.

ÉPIGRAMME PACIFIQUE


Des cavaliers brutaux fuis la barbare horde
Qui sillonne la plaine et parfois la déborde.
Enfonce-toi parmi les pins aux sveltes fûts ;
Puis, berçant ta chimère à leur rythme confus,
Consacre, alors qu’un fer stupide au fer réplique.
Ta verve pastorale à quelque bucolique.
D’abord, pour réunir le troupeau dispersé.
Anime ce roseau, que tes doigts ont percé.
Tondant l’herbe, tranchant aux arbustes leurs pointes,
Dans la ravine où les petits les ont rejointes.
Tes chèvres ont, au gré de leur caprice errant,
Escaladé la pente et franchi le torrent.
Qu’un son de flûte, où passe un peu de l’âme humaine.
Vite autour de leur guide inquiet les ramène.
Que toutes à l’appel du jeune chevrier
Répondent et, broutant l’amer genévrier,
Le cytise sauvage ou l’agreste lentisque.
Se hasardent sans crainte où le pâtre se risque.