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comparaison à établir entre le fait d’hier qui ne s’appliquait qu’à un petit nombre d’ouvriers travaillant à domicile et celui d’aujourd’hui qui s’applique à plus d’un million d’ouvriers appartenant à la plus grande industrie du pays. Il faut s’attendre à ce que d’autres ouvriers appartenant à d’autres industries, sinon à toutes, demandent bientôt à jouir du même privilège que les mineurs et nous ne voyons pas ce qu’on pourra leur répondre pour repousser leurs prétentions. Quand le bill a été voté, il a fallu le faire accepter par les grévistes : pour cela, les ministres anglais, et non seulement M. Lloyd George, mais M. Asquith lui-même, ont insisté sur son caractère révolutionnaire. Singulière recommandation dans la bouche d’un gouvernement !

Cependant le bill était à peine voté que, en dépit des commentaires complaisans dont les ministres l’entouraient pour le leur faire agréer, les ouvriers mineurs y ont fait une opposition extrêmement vive. Sur plusieurs points du territoire, et notamment dans l’Angleterre proprement dite, leur mécontentement s’est manifesté sous une forme telle qu’on s’est demandé si cette loi, si inquiétante pour l’avenir, aurait du moins le mérite d’être efficace dans le présent, c’est-à-dire d’atteindre le but qu’elle se proposait, la reprise du travail. Les chefs du parti ouvrier et notamment le secrétaire de leur Fédération, sentant le péril croître d’heure en heure, n’ont pas hésité à conseiller aux mineurs de redescendre dans la mine et d’avoir confiance dans les comités de district qui ne manqueraient pas de fixer le salaire minimum au mieux de leurs intérêts ; mais leurs voix n’étaient pas écoutées et on a vu venir le moment où ils ne seraient plus maîtres du mouvement qu’ils avaient eu l’imprudence de déchaîner. Pour sortir l’embarras, ils ont décidé de soumettre aux ouvriers eux-mêmes, par voie de référendum, la question de savoir si la grève continuerait ou si le travail recommencerait. Nous disions, il y a quinze jours, que cette résolution faisait naître une lueur d’espoir : à vrai dire, nous comptions sur mieux encore. Le plus souvent, chez nous, ce sont les meneurs qui veulent la grève ; les ouvriers la subissent bon gré mal gré ; livrés à eux-mêmes, ils la repousseraient presque toujours. Il semblait qu’il dût en être de même en Angleterre et nous exprimions la confiance que, si le vote des ouvriers était libre, la reprise du travail serait votée à une majorité certaine. C’est le contraire qui est arrivé : la majorité a voté la continuation de la grève.

Le référendum ne s’est pas fait en un seul jour, mais en cinq ou six et, chaque matin, les journaux donnaient les résultats des scrutins.