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reste de répugnance avec ces compagnons obligés de la vie du bled ; ils goûtent peu l’air de noblesse de l’Arabe et ils évitent ses parasites ; ils trouvent désagréable le spectacle de certains de ses rites religieux ; ils lui reprochent les vices qui lui sont particuliers, et, pour s’étonner de les voir répugner au mélange des enfans des deux races dans les écoles, il faudrait pousser un peu loin le parti pris arabophile. Ils raillent la facilité de leurs mariages et de leurs divorces et d’une façon générale jugent peu édifiante la conduite de ces gens pieux.

En définitive, entre ces élémens si dissemblables, les rapports individuels sont souvent bons, pleins de confiance et de sympathie, mais dans l’ensemble, les sujets de mésentente, les points de répulsion réciproque abondent. C’est dans la psychologie bien plus que dans le heurt des intérêts ou dans l’exploitation, beaucoup moins fréquente qu’on ne le dit, de l’ignorance et de la pauvreté de l’Arabe par les Européens, qu’il faut chercher la cause principale des dissentimens trop réels qui séparent les deux groupes ethniques. Sans doute une plus grande pénétration réciproque, par l’association et la collaboration économiques, pourra miner à la longue ces préjugés que seule l’impossible fusion des sangs pourrait renverser tout à fait.

Heureux si la solidarité de race se traduisait par l’entraide ; mais chez les Arabes, elle consiste principalement dans l’exploitation du plus grand nombre. L’expérience le montre : dans la plupart des régions peu ou point colonisées, l’indigène végète sans pouvoir s’étendre ni améliorer ses cultures, jusqu’au jour où une mauvaise récolte le réduit à l’emprunt et l’emprunt à la ruine.

Si l’on compare l’étendue moyenne des cultures annuelles avec le nombre des propriétaires musulmans, familles comprises, on trouve environ 1 hectare 40 ares par tête, soit environ, pour une maisonnée de 5 personnes, 7 hectares rendant en blé ou en orge 5 à 600 francs ; nous ne comptons pas d’autres frais de culture que la semence, le maître travaillant lui-même avec sa femme et ses enfans, le bétail se nourrissant sur les chaumes et sur les communaux. Epargner sur un pareil revenu est à peu près impossible. Ce pauvre monde, il est vrai, vit de rien, se nourrit pour trois ou quatre cents francs par an, la laine des moutons suffit à le vêtir et quelques perches l’abritent