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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 9.djvu/168

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l’évêché, comptaient sur les bataillons catalans, biscaïens et galiciens, dont l’organisation avait survécu à la Défense et auxquels s’étaient joints quelques soldats et marins débauches par Elio.

Il s’agissait de s’emparer du Fort et d’arracher au vice-roi sa démission. Le mouvement devait éclater le 1er janvier 1809, date des élections municipales qui rassemblaient le peuple sur la Plaza Mayor, ou place de la Victoire, comme on la dénommait déjà Liniers, tenu au courant, n’avait pas accepté la proposition des bataillons créoles qui s’offraient pour écraser dans l’œuf l’entreprise criminelle. Il n’avait même pas cru devoir différer d’une heure le mariage de sa fille Carmen, qui fut célébré à la Cathédrale le 26 décembre, cinq jours avant le conflit annoncé.

Toutes les tentatives de ramener les séditieux ayant avorté, il prit ses mesures pour les réduire. Le 31, d’accord avec les chefs respectifs, il fit armer et consigner dans leurs quartiers les troupes fidèles, qui devaient marcher vers le Fort à un signal donné. Le 1er janvier, dès le matin, les corps espagnols apparurent rangés autour de la place. Les élections bâclées en faveur des membres sortans, une commission présidée par le premier alcade, Alzaga, également réélu, alla soumettre la liste au vice-roi, qui la ratifia sans une observation. Les conjurés espéraient une discussion et se retirèrent désappointés. Revenus sur la place, Alzaga poussa le cri convenu : Junte comme en Espagne ! A bas le Français Liniers ! que reprit en chœur la foule mutinée. De là, envahissant l’Hôtel de Ville, elle eut bientôt fait de créer ladite Junte, copiée sur la liste municipale qui venait de passer. La Junte se rendit au Fort, accompagnée de l’évêque et des notables du parti ; envahissant le salon du vice-roi, elle lui annonça sa destitution. Ce fut alors que les patrices et les autres corps de natifs apparurent sur la place et vinrent se ranger sur le glacis du Fort. Pendant ce temps, Liniers, debout devant son bureau et entouré de traîtres, discutait les termes du document qu’ils le sommaient de signer, attendant l’arrivée de Saavedra, commandant des patrices, qu’il savait en chemin. Quand celui-ci parut sur le seuil, le vice-roi déchira le papier, et prenant le bras du chef, il s’élança sur la place : une immense acclamation du véritable peuple buenos-ayrien salua le Reconquistador. Tandis qu’il regagnait le palais, Saavedra