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sèchement : « Vous voyez où vous m’entraîniez ; vous me faisiez commettre une faute. L’ennemi ne nous donnera pas le temps d’opérer la concentration en avant ; il faut l’opérer en arrière, autour de Metz. » Il descend du wagon et donne l’ordre à Le Bœuf de se rendre vers Bazaine pour constater de visu l’état réel des choses et lui faire un rapport. Et il revient avec Lebrun à la préfecture, ayant encore gagné un jour d’immobilité.


III

A Saint-Avold, Le Bœuf apprend à Bazaine notre désastre de Wœrth. Bazaine l’ignorait. Il ne dit mot ; mais ses yeux se remplirent de larmes[1]. Les deux maréchaux n’eurent pas le temps de discourir sur l’opportunité de se concentrer ou non sur Metz. Une dépêche de Ladmirault apprit à Bazaine qu’il venait d’y être appelé directement par l’Empereur. Puis le général Grenier, divisionnaire de Ladmirault, arrivé à Saint-Avold, vint annoncer au maréchal, que, rappelé par son chef, il retournait vers Boulay et ensuite vers Metz. Le Bœuf le retint et le mit à la disposition de Bazaine.

Rentré à son quartier général et livré à ses réflexions, l’Empereur était revenu à l’idée, qu’il n’avait abandonnée qu’en apparence et qui désormais restera au fond de son esprit, de se replier sur Châlons. Il avait envoyé directement à Ladmirault l’ordre de ne plus se rendre à Saint-Avold et de se concentrer à Metz, afin d’éviter à celles de ses troupes qui n’étaient pas encore à Saint-Avold la fatigue inutile de s’y rendre pour en revenir.

Ensuite il fait préparer par Lebrun des ordres à expédier de tous côtés : on renonce à appeler Douay ; on lui télégraphie de jeter, s’il le peut, une division dans Strasbourg et, avec les deux autres, de couvrir Belfort. On oublie que le 7e corps d’armée ne se compose que d’une division, la division Liebert, que la division Conseil-Dumesnil est avec Mac Mahon, et que la division Dumont n’a pas quitté Lyon. Il n’y avait pas à s’occuper de Mac Mahon en route déjà sur Châlons ; on ordonne à Frossard, qu’on sait maintenant à Puttelange, de se diriger aussi sur Metz afin de continuer ensuite sur Châlons. On prescrit à Failly, qui se préparait, à la Petite-Pierre, à marcher sur Phalsbourg et

  1. Récit du maréchal Le Bœuf.